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chemins de fer ruraux, les trains ne circuleront pas avec autant de vitesse, ils n’auront pas l’allure régulière que comporte l’exploitation d’une ligne de premier ordre. Qu’importe, pourvu que la voie soit bonne en toutes saisons et que les marchandises arrivent à peu de frais jusqu’à la gare de destination ! Les routes qu’écrase un roulage trop considérable sont tout d’abord indiquées pour l’essai de ces railways d’un nouveau genre ; les budgets de l’état, des départemens ou des communes, suivant le cas, seront ainsi déchargés en partie d’un entretien qui leur est onéreux ; cette considération d’économie suffit seule à démontrer que les chemins de fer sur route méritent d’être encouragés par des subventions.

Cependant ce système, le plus simple de tous, de chemins de fer à bon marché n’a guère eu d’application jusqu’à présent. Les déclivités des routes sont si fortes, les courbes souvent si prononcées, que la locomotive, avec ses essieux d’un parallélisme invariable, aurait peine à s’y mouvoir. Et puis il est juste d’ajouter que toutes les nations de l’Europe, encore occupées de construire leur réseau principal de voies ferrées, n’ont pas eu le temps de s’occuper des lignes de fer d’un intérêt secondaire. On y arrive toutefois dans notre pays. Des chemins de fer routiers ont été concédés dans les départemens de l’Eure et de la Meuse, et se construisent en ce moment. Il n’entre pas dans le cadre de cette étude de discuter les conditions d’établissement ou d’exploitation des railways économiques. Ce qui en a été dit suffit à montrer comment s’opère la transition des voies empierrées aux voies ferrées. Le lecteur imaginera de lui-même quel délai doit s’écouler avant que ce dernier perfectionnement s’étende jusqu’aux nombreuses bourgades qui ont intérêt à le réclamer.

Depuis les sentiers raboteux du moyen âge jusqu’à nos routes actuelles, quel progrès ! Entre le cheval de selle de l’ancien temps et le-wagon de nos jours, quelle différence ! C’est en définitive le plus précieux instrument de l’industrie moderne que ce réseau de chemins à mailles serrées sur lequel un Arthur Young perdrait patience maintenant à dénombrer ce qu’il y passe en vingt-quatre heures de voitures de luxe ou de chariots à marchandises. Si l’on y regardait de près et qu’il fût possible de supputer le profit que chacun en retire, peut-être s’apercevrait-on que c’est la terre après tout qui, dans les exploitations multiples à laquelle elle se prête, y a gagné le plus. Par ce motif, les populations rurales, victimes jadis de la corvée, soumises encore aujourd’hui à de lourds impôts, n’ont pas à regretter ce que leur a coûté et ce que leur coûtera toujours la construction ou l’entretien des routes, des chemins ou des tramways qui sillonnent leur territoire.


H. BLERZY.