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entre Andrezieux et Roanne ; cette concession fut abandonnée quelques années plus tard, de sorte que cet essai passa inaperçu. Des décrets impériaux approuvèrent la création de voies ferrées à traction de chevaux sur les larges avenues de Paris et de la banlieue, de Vincennes à Sèvres et à Boulogne, de Sèvres à Versailles, de Rueil à Port-Marly. En quinze ans, ces entreprises ne prirent aucune extension, tandis qu’à l’étranger les tramways se développaient partout. Aux États-Unis, dans les rues larges et tirées au cordeau de ces grandes villes improvisées, les lignes de rails s’allongeaient sans gêne pour la circulation des voitures ordinaires. En 1875, le Massachusets seul possédait trente et une compagnies de tramways dont les lignes avaient une étendue totale de 350 kilomètres[1].

C’est de 1873 que date chez nous l’ère des tramways. Presque aussitôt l’esprit de spéculation se passionna de cette idée nouvelle, comme il est assez d’usage. Du moins cet engoûment, peut-être excessif, a donné des résultats utiles. Il y a maintenant des tramways sur toutes les grandes voies de Paris, et de plus à Lille, au Havre, à Marseille, à Versailles, dans bien d’autres villes encore. Puis les inventeurs se sont ingéniés à découvrir un mode de traction mécanique. Ici comme partout, la machine à vapeur s’est montrée supérieure à tous les autres moteurs. Lorsque les ingénieurs du service municipal s’avisèrent, en 1861, de montrer sur les boulevards de Paris un rouleau compresseur mû par la vapeur, le préfet de police crut devoir imposer la condition que cet appareil ne circulerait que la nuit afin d’éviter les accidens. Les chevaux s’effraient en effet, mais l’éducation des chevaux se fait avec le temps aussi bien que celle des hommes. On avait remarqué déjà que dans les quartiers élégans de Passy, où le chemin de fer longe à niveau la promenade du Ranelagh, les attelages se familiarisaient très vite avec le bruit strident de la locomotive qui passe à toute vitesse. Les petites locomotives de tramways ont circulé à toute heure du jour sur certains boulevards ; il y a eu des accidens, il est vrai, au point que le succès de ce nouveau mode de traction n’est pas encore assuré.

Ce qui se fait dans les rues ou dans les faubourgs des villes ne peut-il s’étendre aux routes en rase campagne ? Pourquoi ne pas poser aussi des lignes de rails au long des grands chemins qui suivent une vallée populeuse, qui traversent un groupe important de villages ? S’il y a des usines sur le parcours, des exploitations de bois ou des carrières, un embranchement les desservira. Sur ces

  1. Il ne faut pas cacher que ces entreprises étaient en général peu prospères. Vingt compagnies ne distribuaient aucun dividende à leurs actionnaires ; les onze autres payaient de 4 à 10 pour 100.