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conseil d’état. Lorsque le contrôleur-général voulut confier les ponts et chaussées à un homme d’expérience, le choix se porta sur cet administrateur qui s’était occupé avec zèle des routes de l’Auvergne. L’un de ses premiers actes fut la création d’un bureau de dessinateurs pour dresser les plans des grands chemins de France. En y travaillant quelque temps, les jeunes gens s’initiaient à la pratique du dessin dont les ingénieurs ont sans cesse besoin. Ce n’était pas assez ; on se plaignait qu’il n’y eût pas dans les provinces des élèves instruits, laborieux, capables d’obtenir après un stage le titre d’inspecteur des travaux. Trudaine résolut en conséquence de fonder à Paris une école dont il confia la direction à Perronet, l’un des membres les plus distingués du corps des ponts et chaussées. né à Suresnes en 1708, Perronet avait commencé, selon l’usage du temps, par étudier chez un architecte de Paris. Après un stage de quelques mois dans les ponts et chaussées, un mérite reconnu lui avait valu d’être nommé ingénieur à Alençon, où il avait poursuivi avec beaucoup d’activité la création de routes excellentes. La faveur de Trudaine le fit revenir à Paris pour présider aux études des élèves ingénieurs.

Il y eut mieux encore. Trudaine prit l’habitude vers la même époque de réunir chaque dimanche les ingénieurs présens à Paris, les trésoriers de France, à qui l’usage avait maintenu certaines attributions de voirie, et quelques savans qui n’étaient pas étrangers à l’art des constructions. On y discutait en commun les graves questions que les assistans avaient à traiter chaque jour ; on y apportait les projets présentés par les ingénieurs de province, on y rendait compte des succès obtenus par l’emploi de nouvelles méthodes. Les séances de cette assemblée ne furent longtemps que des conversations officieuses ; le souvenir même s’en serait perdu si Perronet n’avait eu soin d’en dresser le procès-verbal. Plus tard, Trudaine de Montigny, successeur de son père, fit tenir le registre officiel des délibérations par un secrétaire. Tel fut le germe du conseil des ponts et chaussées, aux avis duquel s’attache avec raison aujourd’hui la plus haute autorité pour tout ce qui concerne les travaux publics.

Le fait saillant de l’histoire des grands chemins au XVIIIe siècle est l’institution de la corvée. Il convient à double titre d’examiner comme elle s’établit et ce qu’elle produisit, d’abord parce que ce fut la principale ressource des ingénieurs du temps, et aussi parce que, rendue moins onéreuse pour le pauvre peuple, elle alimente encore maintenant le budget de la vicinalité.