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commission n’est pas suffisamment aimée. Aux termes de la loi de 1850 elle ne peut intervenir que si l’insalubrité est occasionnée par le fait du bâtiment ou de ses dépendances. Lorsque l’insalubrité provient de l’entassement d’un trop grand nombre d’habitans dans un même local salubre en lui-même, la loi ne lui donne aucun pouvoir. Telle est la conclusion à laquelle la commission est elle-même arrivée après s’être récemment saisie de la question, et elle a dû se borner à proposer un nouveau projet de règlement qui a peut-être le tort d’être un peu ambitieux. Cependant la question est soulevée, et il faut la trancher. Le mieux serait de soumettre de par la loi la profession de logeur aux mêmes restrictions que celle de cabaretier, afin de mettre entre les mains de l’administration une arme puissante : le retrait d’autorisation ; mais le moyen d’espérer qu’au moment où il est question d’établir la liberté des cabarets on abroge celle des garnis ? À tout le moins faudrait-il qu’une nouvelle ordonnance, dont les prescriptions n’excéderaient certainement pas les pouvoirs de la préfecture de police en matière d’hygiène, établît une proportion entre le nombre de lits que le logeur serait autorisé à placer dans chaque salle et la dimension cubique de cette salle. Si quelque épidémie de choléra, de fièvre typhoïde ou de petite vérole venait à se déclarer, on frémit à la pensée de la rapidité avec laquelle elle se développerait dans des conditions pareilles. Des travaux importans entrepris après les épidémies cholériques ont démontré que c’était surtout par les garnis que ces épidémies s’étaient propagées. J’ajouterai qu’il y a peut-être là aussi un devoir de prévoyance politique. Il est impossible que des individus qu’on laisse ainsi croupir avec insouciance dans des conditions inhumaines n’en ressentent pas une sourde colère qui aux jours des grandes commotions sociales se trahit par des vengeances. Pour dire toute ma pensée, si la population des garnis m’a paru d’un aspect plus décent à Paris qu’à Londres, j’y ai observé aussi avec intérêt ces figures énergiques, intelligentes, un peu exaltées, qu’on ne serait pas étonné de retrouver un jour, avec une expression farouche, derrière une barricade. « Qu’est-ce que vous voulez ? Est-ce la révolution ? » répondait du fond de son lit un homme à la porte duquel le logeur avait frappé, et cette réponse moitié gouailleuse et moitié menaçante m’a, je l’avoue, donné à réfléchir sur les passions qui fermentaient peut-être dans cette atmosphère à tous les points de vue malsaine. Il y a donc lieu de se préoccuper de cette question, aussi bien au point de vue de l’hygiène qu’au point de vue de la sécurité publique. Certes je ne prétends pas qu’une meilleure organisation des garnis contribuât pour beaucoup à apaiser ces passions qui grondent sous l’écorce de toute société brillante, mais, lorsqu’il s’agit d’adoucir