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LA BANQUE DE FRANCE SOUS LA COMMUNE.

furent immédiatement prévenus. MM. Marsaud, Chazal, de Benque. furent quittes pour aller passer la nuit dehors, M. Mignot resta près de ses caisses ; depuis longtemps M. de Plœuc, dont le premier devoir était de se mettre à l’abri d’une arrestation qui eût pu avoir de terribles conséquences pour la Banque, avait pris l’habitude d’aller coucher dans divers domiciles : on recommanda aux employés de faire bonne garde, la nuit s’écoula sans incident. La nouvelle apportée était-elle réelle ? était-ce une simple rumeur de corps de garde ? était-ce un avis peu scrupuleux qui fut payé plus tard ? y eut-il là un projet sérieux, qui pour une cause ignorée ne fut pas rais à exécution ? |Nos documens ne peuvent nous aider à répondre, et notre doute subsiste.

Depuis l’alerte que les diamans de la couronne avaient value à la Banque, on y vivait assez paisiblement : M. de Plœuc et les régens se réunissaient souvent en conseil, le petit bataillon faisait son service avec dévoûment, on s’étonnait un peu de la lenteur des opérations militaires de Versailles, et l’on attendait avec impatience l’heure de la délivrance. Les relations avec les délégués aux finances étaient tolérables ; Jourde, surmené par une tâche trop pesante pour lui, avait parfois des impatiences que l’on feignait de ne point remarquer ; Varlin, toujours taciturne et poseur, inspirait une vive défiance aux fonctionnaires de la Banque, depuis qu’il avait été surpris cherchant à lire la feuille des comptes courans. Le père Beslay, plus naïf que jamais, se frottait les mains et croyait fermement que la commune était en train de restaurer le paradis terrestre ; une vieille domestique de confiance venait parfois le demander, et lorsqu’on ne le rencontrait pas, elle disait avec l’excessive familiarité des anciens serviteurs : — Où donc est-il, ce vieux fou-là ? — Malgré les trompettes et les tambours, malgré les promenades des fédérés, malgré l’arrêt de tout commerce, le chômage de toute industrie, la stagnation des affaires, la Banque n’avait point fermé ses bureaux ; comme par le passé, elle continuait ses opérations, singulièrement réduites par la misère du temps. Les régens et les censeurs étaient chaque jour à leur poste : quelques rares effets étaient présentés à l’escompte ; par-ci par-là, on encaissait un petit écu ; on avait des loisirs beaucoup plus que d’habitude ; les employés se promenaient dans les cours en fumant leur cigarette ; tout ce grand établissement si actif ordinairement, si plein de santé et d’ardeur, était morne et semblait bâiller d’ennui. Les garçons de recette ne sortaient plus dans les rues avec leur habit gris compromettant. On avait même presque complètement suspendu la recette en ville, depuis qu’un des garçons, se présentant à l’octroi, gouverné par Volpénil, pour toucher le montant d’un effet échu, avait été accueilli par ces mots : — Le premier garçon de la Banque qui osera montrer