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LA BANQUE DE FRANCE SOUS LA COMMUNE.

La Banque vivait à peu près tranquille, à la condition de subir les réquisitions que lourde et Varlin ne lui ménageaient pas, lorsqu’elle fut mise en alerte pour un objet qu’elle ne soupçonnait guère. Le ministre des finances avait si rapidement opéré sa retraite, le 18 mars, qu’il avait abandonné, nous l’avons déjà dit, une somme importante dans les caisses, et qu’il avait oublié d’emporter certains documens que l’on aurait dû à tout prk soustraire aux investigations du comité révolutionnaire qui venait de s’emparer de Paris. Parmi ces documens, il en était plusieurs qui étaient relatifs aux diamans de la couronne ; ils furent découverts, lus, commentés, mal compris, et valurent à la Banque de France une algarade dont elle se souviendra longtemps. Le 13 avril, comme l’on venait d’apprendre que l’un des régens, M. Pillet-Will, était mort à Bruxelles, où il avait dû se réfugier pour éviter l’arrestation dont la commune l’avait menacé, M. Mignot, caissier principal, ayant charge du dépôt des objets précieux, vit entrer dans son cabinet Jourde, Varlin, Amouroux, accompagnés de Charles Beslay, qui paraissait fort animé. — Nous venons réclamer lajemise immédiate des diamans de la couronne. — Nous ne les avons pas, répondit M. Mignot, nous ne les avons jamais eus. — Tous les délégués se mirent à parler à la fois avec violence et menaces. — Vous les avez, nous le savons, nous en avons la preuve entre les mains : nous prenez-vous pour des imbéciles ? — Le plus violent était Amouroux, qui, nommé secrétaire de la commune depuis deux jours, représentait le gouvernement central et affirmait par, sa seule présence que l’affaire était grave. M. Mignot, avec la loyauté d’un honnête homme dont, en tout cas, la parole doit suffire, faisait face à l’orage sans se décontenancer et se contentait de répéter : — Je ne puis vous remettre ce que je n’ai pas ; je ne sais où sont les diamans de la couronne, mais je suis certain qu’ils ne sont point ici. — En présence de cette résistance où les délégués s’obstinaient à voir de la mauvaise foi, ils déclarèrent qu’ils voulaient visiter eux-mêmes, tout de suite, les dépôts de diamans faits par les particuliers, car ils étaient certains d’y découvrir les diamans de la couronne. C’était exiger de M. Mignot qu’il livrât le secret de la Banque ; le dépôt des pierreries était caché et muré ; il refusa net, il ne pouvait agir sans ordres. Les délégués, furieux, se retirèrent : — Soit ! vous entendrez parler de nous ! — M. Mignot courut prévenir le marquis de Plœuc, qui fut fort surpris. On interrogea M. Marsaud, M. Ghazal, M. de Benque, nul ne savait rien des diamans de la couronne, et il eût été impossible de les introduire, de les déposer dans la Banque sans qu’au moins un de ces hauts fonctionnaires en ait eu connaissance. — Pendant la discussion, pour ne dire plus, qu’il avait eu à supporter, M. Mignot avait en-