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du second million consenti avait été soldée le 24 mars ; on ne se croyait pas quitte de toute réquisition, mais on fut satisfait de passer les journées du 25 et du 20 sans avoir à discuter avec les délégués aux finances. L’embellie ne dura pas longtemps. Le 27, dans la soirée, le marquis de Plœuc reçut la lettre suivante :

« Monsieur le gouverneur de la Banque de France, nos services ne pouvant être définitivement organisés avant le 29 mars, il est de la plus haute importance que notre service des finances ne soit pas interrompu demain mardi. En conséquence nous vous prions de vouloir bien tenir à notre disposition pour demain mardi la somme de 500,000 francs qui nous est indispensable. Le, remboursement de cette avance pourrait s’effectuer dans un bref délai, grâce aux ressources dont nous allons disposer. Agréez l’assurance de notre considération la plus distinguée. Les délégués aux finances : Fr. lourde, E. Varlin. — Nous attendons une réponse à cette lettre avant dix heures du matin, la somme demandée devant servir aux besoins de notre caisse à partir de onze heures du matin. » — Ce fut la répétition exacte de ce que déjà nous avons raconté. M. Mignot alla au ministère des finances s’informer à quel usage les 500,000 francs « empruntés » devaient servir. — À la solde de la garde nationale, pour le compte de la ville de Paris. — Après approbation du conseil des régens, la somme est mise à la disposition des délégués ; elle fut touchée par le caissier, G. Durand, le 28 mars, le jour même où, sur la place de l’Hôtel de Ville, au milieu des étendards rouges déployés, à travers les cris, les chants du départ, les marseillaises et toutes les farandoles révolutionnaires usitées en pareils cas, on acclamait la commune, qui s’installait officiellement après quelques discours que l’on n’entendit pas. Il faut croire que l’installation du nouveau gouvernement n’avait pas fait rentrer beaucoup de monnaie divisionnaire à Paris, car le citoyen Durand insista près de M. Mignot pour qu’une bonne partie des 500,000 francs fût payée en billets de 5 francs émis en vertu d’une décision du conseil général de la Banque, en date du 1er  décembre 1870.

Le soir même, le marquis de Plœuc, lisant dans un journal le nom des membres de la commune, remarqua celui de Charles Beslay, car il connaissait le personnage. M. de Plœuc est de Quimper, Charles Beslay était de Dinan ; Bretons tous deux, ils étaient « pays ». Au moment où Paris allait être investi, lorsqu’on y eut attiré les gardes mobiles de la vieille Armorique qui savaient bien peu le français, on avait formé un comité breton, afin de fournir à ces jeunes gens les secours matériels et moraux dont ils se sentiraient privés au milieu d’une population presque étrangère.