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LA BANQUE DE FRANCE SOUS LA COMMUNE.

rans en toute matière qu’ils le considéraient comme possédant seul les aptitudes spéciales qui font les bons financiers : or, nous le répétons avec certitude, Jourde comptait bien, établissait rapidement une balance, n’ignorait rien de ce qui constitue le doit et l’avoir, il tenait essentiellement à l’irréprochable régularité de ses écritures, mais il eût été absolument incapable de manœuvrer un budget et d’imaginer des combinaisons financières. Malgré cela, il était le Turgot de la commune, qui ne s’en montrait pas moins fière que lui et qui ne voulut jamais s’en séparer ; jusqu’aux dernières heures, il resta donc en communication avec la Banque de France. Celle-ci, sans vouloir entrer en lutte, s’était mise sur la réserve ; elle n’était point sur le pied de guerre ; mais la paix armée qu’elle pratiquait prouvait qu’au besoin elle saurait résister. Se renfermant dans la lettre même de ses statuts, elle avait déclaré dès le 24 mars qu’elle cesserait de centraliser les recettes de l’octroi pour le compte de la ville de Paris, comme elle avait l’habitude courtoise de le faire. Elle pouvait en effet subir les lors de la révolte, puisqu’elle n’était pas en situation de s’y soustraire, mais il ne lui convenait pas de la reconnaître, de la légitimer en quelque sorte, en percevant pour elle les fonds dont elle s’emparait et en lui ouvrant ainsi un compte courant. Il n’y a nulle hésitation à cet égard dans la délibération des régens qui fut signifiée au délégué. Cette décision justifiée répondait à la note que voici : « La perception des octrois sera effectuée comme par le passé. Les mesures les plus énergiques seront prises contre les employés de ce service qui n’accompliraient pas leurs versemens par voie administrative à la délégation des finances. Signé : Varlin, Fr. Jourde. » Les menaces eurent peu d’effet, et l’octroi ne produisit que des sommes insignifiantes tant qu’il ne fut pas attribué (2 avril) à la haute direction de Bonnin dit Volpénil, qui excellait à confondre les revenus de son administration avec les siens.

La Banque, en refusant d’aller chaque matin relever à toutes les barrières le produit de la veille, évitait le danger de faire circuler ses voitures dans Paris, au milieu de fédérés curieux qui n’auraient demandé qu’à regarder ce qu’il y avait dedans. La Banque se préoccupait beaucoup de son portefeuille, c’est-à-dire de la masse d’effets escomptés ou prorogés qui représentait pour elle une avance de plus de 900 millions : elle eût voulu l’expédier hors de Paris, afin de se mettre à l’abri des recherches ; après avoir examiné tous les moyens que lui suggérait la sagacité des régens et des chefs de service, elle fut obligée de reconnaître que le transport seul de ces richesses constituait un danger et exposait à des risques qu’il était plus sage d’éviter. On fut en repos pendant trois jours. La fin