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contentant plus de ces demi-mesures, il n’hésita pas à pousser les libertés de l’interprétation jusqu’à la licence et l’application d’un principe scientifique vrai en soi jusqu’à la fantaisie mensongère.

Et pourtant, malgré les affectations ou les négligences de sa dernière manière, malgré la fièvre de production qui l’agite de plus en plus, David garde encore quelque chose des allures et de l’autorité d’un maître. Même dans ses plus mauvais jours, même lorsqu’à force de s’attacher aux vérités d’exception ou d’accident il paraît presque perdre le sentiment et la notion des vérités générales, il ne donne pas aux erreurs qu’il commet le plat caractère de la banalité. Il peut, bien souvent, se montrer incorrect ou bizarre : il ne lui arrive jamais d’être vulgaire.

Les défauts de David contribuent donc presque autant que ses qualités à définir sa physionomie et à marquer la place toute particulière qui lui appartient dans l’histoire de notre école. Peut-être l’auteur du nouveau livre sur la vie et les travaux du maître n’a-t-il pas suffisamment osé s’avouer cette vérité, de peur d’avoir ensuite à nous la confesser à nous-mêmes et de compromettre ainsi les intérêts de la gloire qu’il avait à cœur de servir. Toujours est-il que là même où la condamnation, la mention tout au moins des fautes semblerait le plus naturelle, il n’y a place sous la plume de M. Jouin que pour l’approbation et l’éloge. En vient-il par exemple à nous parler du Fronton du Panthéon, une des œuvres les plus importantes, mais aussi une des plus évidemment inégales qu’ait signées David, une des plus turbulentes et des plus agressives par les caractères de l’exécution et du style, il se contente d’en décrire la composition, de nommer les personnages qui y figurent et de vanter le tout en bloc. Les graves et nombreuses objections qu’autoriserait, que provoque même ce travail défectueux dans beaucoup de ses parties, il les passe résolument sous silence ; ou, s’il se décide à en mentionner une, et encore pour la réfuter, c’est seulement celle qui concerne le choix des grands hommes signalés par le sculpteur à notre vénération.

On sait que, par un calcul d’une justesse au moins contestable, David a cru devoir écarter tous ceux qui, nés avant le XVIIIe siècle, n’avaient pu naturellement participer ni à l’Encyclopédie, ni aux guerres de la république, ni aux travaux des assemblées législatives de cette époque ou de l’époque de la restauration. Un seul, Fénelon, a trouvé grâce à ses yeux, et l’on ne sait vraiment trop pourquoi, à moins qu’en l’associant à Voltaire et à Rousseau, à Lafayette et à Manuel, David n’ait entendu consacrer ce préjugé populaire en vertu duquel il faudrait voir dans l’auteur de Télémaque un précurseur de la réforme philosophique et un républicain anticipé. Or