Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/431

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont fourni des types qu’il a popularisés de préférence aux images accoutumées des héros de la fable ou de l’antiquité. Il n’est guère d’artistes, d’écrivains, d’hommes politiques plus ou moins renommés de nos jours, ou même d’hommes connus à quelque titre que ce soit, dont David n’ait fait, suivant l’importance relative de chacun d’eux, la statue, le buste ou le médaillon. De là, outre la sérieuse valeur inhérente à la plupart de ces ouvrages, le profit qu’en a tiré l’auteur au point de vue de sa réputation. Ceux qui avaient posé devant lui l’associaient en quelque sorte à leur gloire par le fait même de la publicité qu’elle assurait à ses travaux ; de son côté, à force de voir la même main reproduire les traits de tout personnage célèbre, le public ne pouvait manquer de conclure que cette main était plus qu’aucune autre digne d’une pareille tâche, puisqu’elle en demeurait invariablement chargée.

Enfin, il n’est pas jusqu’à la religion politique professée par David, d’ailleurs avec un rigorisme convaincu, il n’est pas jusqu’aux fonctions fort étrangères à l’art dont il fut revêtu à un certain moment, qui n’aient été pour quelque chose dans la situation exceptionnelle que l’opinion lui avait faite et dans l’attention soutenue que l’on accordait à ses travaux. De telles particularités, il est vrai, ne doivent guère ici être mentionnées que pour mémoire, car les souvenirs qui s’y rattachent, si étroitement mêlés qu’ils soient à la vie de l’artiste, n’intéressent son talent que d’assez loin. Pour comprendre et pour juger les œuvres de David, il n’est pas bien nécessaire de se rappeler que celui-ci a été journaliste politique à ses heures, maire d’un des arrondissemens de Paris après la révolution de 1848, enfin représentant du peuple à l’assemblée nationale. L’essentiel comme le plus sûr sera de consulter ces œuvres en face, sans en compliquer l’examen par des rapprochemens indirects, sans se proposer d’autre fin que l’appréciation de leur valeur intrinsèque et des doctrines qui les ont inspirées. C’est cette tâche que nous voudrions essayer de remplir, non certes avec la prétention de refaire le livre si consciencieux de M. Henry Jouin, mais simplement avec la pensée d’en dégager les enseignemens, d’en tirer la moralité, pour ainsi dire, sauf à tempérer par quelques réserves l’admiration un peu trop immuable qu’il exprime et les éloges presque sans restriction qu’il contient.


I

Et d’abord quelle est la signification particulière des œuvres laissées par David ? Quels progrès celui qui les a faites a-t-il déterminés, ou, si l’on ne veut tenir compte que de son talent personnel,