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le credo catholique de deux articles de foi. Cela seul était une grande innovation. L’église s’était, depuis des siècles, prudemment abstenue d’allonger le long formulaire de ses croyances. Il semblait qu’à la foi catholique, définitivement fixée par les anciens conciles, il n’y eût plus d’addition à faire ; il semblait qu’en face du rationalisme contemporain, Rome eût tout intérêt à ne pas augmenter encore le nombre des vérités qu’elle avait à défendre. Assaillie de tous côtés par le scepticisme, l’église paraissait une armée d’autant plus exposée aux coups de l’ennemi qu’elle lui offrait un front plus étendu. La prudence humaine conseillait à ses chefs de ne pas accroître le nombre des points à occuper, pour concentrer leurs forces sur les positions les plus importantes, mais la prudence humaine était mal venue auprès du pieux pontife. C’était bon pour les sectes protestantes, bon pour les églises séparées, de reculer devant la sape de la critique moderne et de chercher à désarmer le rationalisme en lui sacrifiant un à un les dogmes séculaires de la foi chrétienne ; l’église catholique, la véritable épouse du Christ, ne connaît point ces terreurs. Aux doutes ou aux négations du siècle, elle oppose des affirmations plus solennelles et plus catégoriques. A la raison et à la science humaines, se plaignant d’être enfermées par le dogme dans un champ trop borné, Pie IX a répondu en rétrécissant l’étroit domaine où il leur était permis de se mouvoir librement.

Ici comme en toute chose, Pie IX se plaisait à braver l’ennemi. Cette disposition belliqueuse éclate davantage, si l’on examine les deux dogmes nouvellement définis ; car pour l’église la définition seule est nouvelle, le dogme est ancien. Les deux croyances récemment imposées au monde par Pie IX, l’immaculée-conception de la Vierge et l’infaillibilité pontificale, ont, sans en avoir l’air, une véritable affinité, une sorte de parenté. L’un et l’autre dogmes sont un acte de glorification, d’exaltation ; à ce titre, tous deux sont également inspirés de l’esprit du catholicisme moderne et reflètent l’âme même du pape qui les a promulgués. Pour la piété de Pie IX comme pour la religion de la plupart des fidèles, c’était un besoin que de glorifier, de magnifier la Vierge, les saints, l’église. Pie IX avait, comme tout le clergé, comme tout le catholicisme contemporain, deux dévotions essentiellement catholiques, le culte de Marie, le culte de l’église, et, pour lui comme pour l’ultramontanisme, l’église se résumait dans la papauté. Aucun pape n’a été plus rempli de sa dignité, aucun n’a plus sincèrement vénéré en sa propre personne la suprême magistrature dont Dieu l’avait revêtu. Rien ne lui tenait plus à cœur que l’honneur de la tiare : la révolution italienne menaçait d’en ternir l’éclat, l’infaillibilité lui donna une