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guerre engagée vers le moment de sa naissance. L’ancien pape libéral de 1847 n’était que l’instrument de l’ultramontanisme contemporain, qui lui-même n’est qu’une réaction contre la révolution, dont il reproduit en sens inverse l’ardeur passionnée, les solutions absolues, l’esprit outré. A une religion de foi et d’autorité, la révolution avait voulu substituer une religion nouvelle dont les deux grandes déesses étaient la raison et la liberté. Ce sont là les fausses divinités, encore adorées du siècle, bien qu’aujourd’hui privées d’autels, que Pie IX a voulu renverser. C’est cette nouvelle idolâtrie qu’il a prétendu déraciner et extirper, niant ce qu’elle affirme, affirmant ce qu’elle nie, ravalant ce qu’elle honore, glorifiant ce qu’elle méprise. Tout le règne de Pie IX n’a été qu’une exaltation de l’autorité en face de la liberté moderne, une exaltation du surnaturel contre le rationalisme et le naturalisme contemporains.

Libéralisme et rationalisme, l’un provenant de l’autre et tous deux à la fois cause et effet de la révolution, voilà l’ennemi que Pie IX a poursuivi simultanément, dans ses allocutions et ses encycliques, dans ses réformes ecclésiastiques, dans ses définitions dogmatiques. Contre ce double adversaire, Pie IX a pris intrépidement l’offensive, interdisant toute tentative de pacification avec l’un comme avec l’autre, les pourchassant, les traquant tous deux jusque dans leurs retraites cachées, jusqu’au sein des fidèles et du clergé, les découvrant et les démasquant sous les déguisemens en apparence les plus innocens. Dans son zèle à condamner les doctrines ou les hommes suspects de penchant ou de faiblesse pour les erreurs modernes, Pie IX semblait avoir entrepris d’épurer la foi et l’église, sans crainte de rebuter un âge sceptique en heurtant aussi rudement ses habitudes et ses instincts. Pour détourner les peuples des routes périlleuses où la révolution les avait engagés, l’église conduite par Pie IX s’est systématiquement enfoncée dans les sentiers les plus opposés, au risque de n’en pouvoir sortir et de n’être suivie que du petit nombre.

Glorification de l’autorité, exaltation du surnaturel, tels sont les deux mobiles habituels de Pie IX : nous les retrouvons l’un et l’autre dans deux des œuvres qu’il a poursuivies avec le plus de patience et de succès, dans l’extension de la hiérarchie et l’extension de la liturgie romaine. En introduisant au nord des Alpes l’usage du rite romain, comme en restaurant dans les pays hétérodoxes la hiérarchie épiscopale, Pie IX travaillait à resserrer le lien de l’unité catholique, faisait œuvre d’unification et d’assimilation ; Quand, malgré les regrets et les efforts d’une partie de notre clergé, il substituait en France la liturgie romaine aux liturgies indigènes,