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leur souveraineté temporelle, en la réconciliant avec les aspirations nationales de leur peuple, avec les aspirations libérales du siècle, Sur ce point, les néo-guelfes voyaient juste : la papauté ne pouvait conserver de couronne terrestre qu’en en faisant pour l’Italie un gage d’indépendance. Il n’y avait pas de milieu entre l’extension de l’influence politique de la papauté sur l’Italie entière ou l’anéantissement du petit état romain par la résurrection nationale de la péninsule.

La première politique de Pie IX n’était donc ni aussi inconsidérée ni aussi intempestive qu’elle a pu le paraître depuis. C’est la seule fois qu’un pape ait essayé d’accommoder la souveraineté pontificale aux nouvelles conditions de l’Europe, et c’était manifestement la dernière fois qu’une pareille tentative pût être faite. Par malheur pour la papauté, cette tardive et suprême expérience ne pouvait plus réussir. Quand l’idée guelfe d’un pape patriote n’aurait pas porté en soi le germe d’une irrémédiable contradiction, l’église romaine s’était déjà trop isolée des peuples, elle s’était trop enfoncée dans l’absolutisme, pour se laisser rejeter tout à coup sur des routes nouvelles. Avec toutes ses vertus, Pie IX lui-même était l’homme le moins capable d’accomplir une telle révolution ; il y eût fallu l’énergie d’un Grégoire VII, à tout le moins l’audace d’un Jules II. Un pape d’un cœur plus généreux que hardi, d’un esprit plus droit que ferme, d’un caractère plus entreprenant que résolu, devait être arrêté dès les premiers pas, par ses doutes, par ses déboires, par ses scrupules. Un tel homme devait se buter aux obstacles accumulés devant lui, et après quelques tergiversations retomber las et découragé dans la politique traditionnelle. Tous les efforts de Pie IX pour adapter à l’esprit nouveau la vieille monarchie pontificale devaient seulement le convaincre de l’impossibilité d’une telle adaptation.

L’illusion du pape et de l’Italie fut de courte durée. La révolution de février 1848 ne fit que précipiter le cours naturel des événemens, et acculer plus rapidement le pape à l’impasse où il devait se retourner contre ses admirateurs de la veille. Le 14 mars, Pie IX accordait à ses états une constitution. Il était déjà permis de douter que le pouvoir théocratique du vicaire du Christ se pût plier au gouvernement des chambres. Ce n’était pas là cependant la plus grande difficulté. A Rome comme dans toute l’Italie, la révolution de 1848 poursuivait moins des libertés politiques que l’indépendance nationale ; ce que le peuple italien réclamait de ses princes, c’était avant tout des armes contre l’Autriche. Là fut l’écueil du libéralisme et de la popularité de Pie IX.

Charles-Albert avec ses Piémontais était entré en Lombardie,