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délégués du comité central de la garde nationale : Signé : JOURDE, E. VARLIN. Reçu la somme : Signé : JOURDE, E. VARLIN. » Un second reçu de 150,000 francs indique que les 300,000 francs accordés ont été touchés le même jour.

Lorsque les deux délégués sortirent de la caisse centrale et traversèrent la grande cour, ils furent accueillis par une bordée de huées et de sifflets. C’étaient les garçons de recette, les « habits gris » qui exprimaient de la sorte ce qu’ils pensaient de l’insurrection. Jourde et Varlin ne soufflèrent mot, baissèrent la tête et hâtèrent le pas. Le même jour, à deux heures de l’après-midi, il y eut conseil-général. Sept régens y assistaient : MM. Durand, Rothschild, Mallet, Pillet-Will, Denière, Sieber, Millescamps. M. Rouland présidait, ayant à ses côtés le marquis de Plœuc, sous-gouverneur. M. Rouland rendit compte de sa conduite, qui fut approuvée, quoiqu’un des membres du conseil ait cru devoir faire remarquer que solder les fédérés dans les circonstances qui opprimaient Paris, c’était soudoyer la révolte et lui fournir les moyens de se prolonger en se fortifiant. Un autre membre répondit : « La Banque ne soudoie pas le désordre ; elle subit un état de choses qu’a établi le gouvernement de la défense nationale et qu’il nous a légué. Il est impossible de laisser ces masses armées venir prendre elles-mêmes ce que nous leur refuserions. » C’était le vrai mot de la situation, il n’y en avait pas d’autre à dire ; mais l’on aurait pu ajouter que, si le gouvernement, tenant compte de l’état morbide des esprits, du chômage général, de l’absence de travail régulier, avait sagement consenti à prolonger, pendant deux ou trois mois encore, l’indemnité de service accordée à la garde nationale au lieu de la supprimer brusquement, il est probable que la honte du 18 mars nous eût été épargnée. Le conseil fut unanime à reconnaître que le gouverneur avait bien agi, et l’autorisa à livrer un nouveau million aux délégués du comité, mais, autant que possible, par petites fractions, afin de gagner du temps et de donner à « Versailles » celui d’arriver au secours de Paris ; car, hélas ! l’on croyait encore à une action prochaine du gouvernement régulier.

Pendant que le conseil-général délibérait et faisait de très réels sacrifices pour éviter toute collision, le comité central engageait résolument la lutte et commettait quelques assassinats. Un groupe considérable d’hommes appartenant à ce grand parti de la probité sociale qui, jusqu’à présent du moins, a toujours réussi à sauver notre pays, était parti du Grand-Hôtel et, marchant par la rue de la Paix, se dirigeait vers la place Vendôme, occupée par les fédérés, afin de ramener ceux-ci à des sentimens de conciliation et d’apaisement. Bergeret lui-même, assisté du fastueux du Bisson, estima qu’il y avait quelque gloire et peu de péril à commander le feu sur