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pour refaire un voyage de France. Le prince de Galles, qui est toujours un hôte bienvenu à Paris et qui préside la commission anglaise, sera de l’inauguration de demain. On aura le comte de Flandre pour la Belgique, le duc d’Aoste pour l’Italie, le prince de Danemark et le prince Henri des Pays-Bas, le prince impérial d’Autriche, probablement le roi Alphonse avec la jeune et gracieuse reine d’Espagne, — qui sait ? peut-être le tsarévitch. Ce qu’il y a de certain, c’est que, si la France a le privilège de ne pas changer avec ses gouvernemens, d’être un peu aimée pour elle-même, pour sa civilisation séduisante, et d’attirer toujours par sa bonne grâce hospitalière, elle recueillera aussi de cette exposition des fruits plus sérieux ; elle lui devra d’être une fois de plus le théâtre où tous les peuples vont donner la mesure de leur génie, de leur activité créatrice dans l’inépuisable domaine du travail. On pourra embrasser d’un regard cette immense variété de produits humains, comparer les œuvres, évaluer les progrès accomplis depuis les expositions dernières. C’est un spectacle aussi instructif qu’attrayant, fait pour parler à tous les esprits réfléchis.

L’essentiel serait que la représentation qui commence demain allât jusqu’au bout sans être troublée par les diversions extérieures ou intérieures, que les événemens et les passions voulussent bien consentir à nous accorder ce qu’on pourrait appeler la trêve de l’exposition. En sera-t-il ainsi ? aurons-nous six mois sans crises nouvelles ? C’est là le point obscur, et, malgré tout l’intérêt de la cérémonie qui se prépare, à laquelle doit présider M. le maréchal de Mac-Mahon, ce n’est point en vérité au Champ-de-Mars ni sur les hauteurs du Trocadéro que s’agitent pour l’instant les questions les plus sérieuses, les plus décisives pour le monde.

Les vraies questions du moment, celles d’où dépend la paix du continent tout entier, elles sont à Londres et à Saint-Pétersbourg, à Berlin et à Vienne, elles sont aussi en partie autour de Constantinople, dans ces régions orientales où la guerre a exercé ses ravages, mais où elle n’a pas pu créer une situation définitive, acceptée par tout le monde. Évidemment ces questions n’ont point fait jusqu’ici un pas sérieux vers une solution ; elles restent entières, et ce qu’il y a tout au plus de visible, c’est une sorte de halte dans des complications qui n’ont pris toute leur gravité que le jour où elles se sont résumées dans un antagonisme direct entre la Russie et l’Angleterre. Et à quoi tient cette halte ? Peut-être simplement à un incident imprévu qui a ralenti tout à coup la marche des choses en Europe sans changer la situation périlleuse qui n’a cessé d’exister en Orient. Le « petit grain de sable » a toujours son rôle dans les affaires humaines. Aujourd’hui le grain de sable, c’est la goutte pour le prince Gortchakof, c’est une éruption pour le prince de Bismarck. Il y a eu des cas où l’on s’est demandé pourquoi certains hommes d’état étaient malades : il parait qu’ils ne