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pour recevoir les produits de l’univers entier ; en face du Champ de Mars, de l’autre côté de la Seine, un brillant et pittoresque édifice s’est élevé par enchantement, à la place même où déjà de son temps Napoléon avait rêvé de construire un palais pour le roi de Rome, sur ces hauteurs de Passy qui depuis la restauration ont gardé le nom de Trocadéro, Palais, pavillons étrangers, galeries monumentales, jardins, aquariums, tout a été improvisé, tout se dégage par degrés sous la direction supérieure de M. l’ingénieur Krantz. À l’ouest de Paris, ces quartiers métamorphosés sont une cité nouvelle, le caravansérail des nations industrieuses. Ce qui semblait impossible est devenu en peu de temps une réalité par la toute-puissance d’une activité intelligente. Ce qui pouvait paraître au début une aventure touche déjà au succès, en dépit des obstacles de toute sorte, des crises politiques et des préoccupations universelles. La France, sans regarder derrière elle, ni même devant elle, a donné cet exemple de confiance, et à son appel toutes les nations ont répondu, toutes ou presque toutes. L’Allemagne seule a hésité d’abord. Ce n’est qu’au dernier moment qu’elle s’est décidée à se faire représenter dans la galerie des arts ; elle sera présente par ses tableaux. Tous les autres pays du monde ont déjà envoyé leurs produits, ils sont à leur poste comme la France. Le prodige est plus qu’à demi accompli par le concours de tous, puisque dès demain, au jour primitivement fixé, sans plus de retard, l’exposition universelle de 1878 s’ouvre comme une solennité nationale.

Après cela, quelques efforts qu’on ait prodigués, malgré tout ce qu’on a pu déployer de science ingénieuse et d’activité, il n’est point impossible que cette inauguration de demain ne soit encore passablement confuse, que le chaos n’ait quelque peine à se débrouiller. Ce n’est que par degrés qu’un certain ordre peut s’établir dans cette vaste collection des produits de l’univers : il faudra quelques jours, peut-être même quelques semaines. Les premières visites seront pour ces jardins improvisés, pour ces pavillons pittoresques, ornemens féeriques d’une création colossale. Tout n’est pas terminé sans doute ; mais le plus difficile est fait, les grands obstacles sont vaincus, l’exposition existe. La politique elle-même s’est mise galamment de la partie en laissant un répit généreux, et dès ce moment on peut dire que ces pacifiques assises du travail et du génie humain sont ouvertes. Paris se prépare à redevenir comme dans d’autres temps la ville universelle où l’on entendra toutes les langues et où l’on verra tous les costumes. Paris, pour quelques mois, va appartenir à tout le monde excepté aux Parisiens. Il n’aura pas vraisemblablement cette fois la visite des empereurs et des chanceliers d’état, qui semblent pour l’instant assez occupée et qui n’éprouvent peut-être pas absolument le besoin de se rendre à Paris, quoiqu’ils pussent y venir sans crainte. Les princes du moins ne manqueront pas, — sans parler du shah de Perse, qui a quitté Téhéran