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qui s’était produite dans les provinces grecques de l’Europe depuis le temps d’Alexandre leur en ouvrait l’entrée. Les barbares, par petits groupes, s’étaient établis sans résistance sur beaucoup de points déserts ; mais ils avaient aussi à plusieurs reprises agi militairement et avaient même pénétré jusqu’au sud du Péloponèse. Ils y furent complètement défaits et soumis, en 921, sous l’empereur Romain Lécapène. Le royaume des Bulgares fut humilié sous Constantin Porphyrogénète ; mais ils ne furent définitivement exterminés en Grèce qu’en 996, sous Basile II. C’est alors que l’habile et vaillant général Ouranos remporta sur eux la grande victoire de Sperchius. Cette bataille est un des événemens les plus marquans de l’histoire nationale, car, si elle avait été perdue, on peut croire que toute la péninsule hellénique serait devenue et restée bulgaro-slave, et que Constantinople serait tombée entre les mains des barbares du nord. La forte organisation de l’empire à cette époque le sauva ; j’ajoute qu’elle sauva aussi l’Occident de l’extension démesurée des Slaves, comme les Hellènes l’avaient sauvé des Perses à Salamine.

Pendant ce temps s’accomplissait un travail pacifique qui devait amener l’hellénisation des envahisseurs et pour lequel la prédication du christianisme fut l’instrument le plus efficace. L’hellénisme perdit définitivement la Bulgarie, la Serbie, la Croatie et la Dalmatie ; mais en Crète il effaça totalement la trace des mahométans. On y releva les églises et l’on en construisit de nouvelles ; les noms grecs de géographie furent partout restitués ; de nombreuses familles de Constantinople passèrent dans cette île, s’y fixèrent et y ont encore aujourd’hui des descendans. Des mesures analogues furent prises peu après pour les pays reconquis en Orient, pour Chypre, la Cilicie, une portion de la Syrie et de la Mésopotamie. On fit venir en Thrace ce qui restait des pauliciens d’Asie, et on transporta hors de Macédoine un grand nombre de Slaves et de Bulgares. Les écoles concouraient puissamment à cette œuvre d’assimilation ; beaucoup d’étrangers, même des Arabes, élevés dans les écoles helléniques, oublièrent leur origine et occupèrent des fonctions publiques dans l’empire. Après la grande bataille du Sperchius, les Bulgares échappés à la défaite avaient repassé le Balkan pour ne plus revenir ; les Slaves, établis paisiblement dans la péninsule, y restèrent et devinrent avec le temps de véritables Hellènes. Du reste ils n’avaient point occupé les villes : sous le nom de Sclavinies, ils formaient dans les campagnes de petits groupes de cultivateurs et de bergers régis par un jopane. De là vient que dans la Grèce moderne beaucoup de rivières, de montagnes et de hameaux portent encore des noms slaves et que pas une ville ancienne n’a perdu son nom. Au nord du Balkan et du Scardus, les noms