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élite d’hommes supérieurs ; plusieurs empereurs avaient fait en ce sens quelques tentatives infructueuses. Ce ne fut pas non plus une idée dynastique, puisque les empereurs iconoclastes ont souvent appartenu à des familles différentes. Mais la société marchait visiblement à son déclin, si elle n’était relevée par des lois puissamment réformatrices. L’armée prit chaudement la cause de la réforme et y resta fidèle. Le concile de 754 en consacra librement la partie religieuse ; celui qu’Irène convoqua plus tard pour voter la restauration se sépara sans avoir conclu. Les hautes classes de la société prenaient donc parti pour les idées nouvelles ; toutefois la société hellénique se partagea en deux camps, que l’on nommerait aujourd’hui les révolutionnaires et les conservateurs. Le foyer de la révolution était en Asie-Mineure : tous les évêques précurseurs du mouvement et tous les empereurs qui soutinrent la réforme étaient asiatiques ; il en était de même des légions dévouées à la révolution. Irène, qui restaura les images, était Athénienne ; Basile Ier était Macédonien ; les légions de ce parti étaient recrutées en Europe. L’Asie-Mineure était donc alors le centre intellectuel de la civilisation hellénique ; c’est là que furent discutées les questions sociales et religieuses et que l’on comprit la nécessité d’une révolution. La restauration était soutenue par les classes ignorantes, ayant à leur tête la riche corporation des moines, par les femmes, dont la religion moins profonde vit surtout de figures, de symboles et de sentimens passionnés ; enfin par les gens de l’ouest, plus éloignés des peuples monothéistes de l’Orient et plus imbus du paganisme de l’antiquité.

À ces résistances intérieures que la révolution avait à vaincre s’ajouta l’opposition violente du clergé romain. Le pape Grégoire II souleva des émeutes dans l’Italie, la Grèce, la Crète, la Macédoine et l’Illyrie, encore soumises à sa juridiction. Léon lui proposa de réunir un concile qui résoudrait la question religieuse ; Grégoire répondit insolemment. L’empereur ordonna la saisie de tous les biens de l’église romaine dans la Basse-Italie et la Sicile, et bientôt de tous ceux qu’elle possédait dans l’empire ; puis, sous Grégoire III, il enleva au pape et remit au patriarche la juridiction de la Crète, de la Grèce, de la Macédoine, de l’Épire, de l’Albanie, de l’Italie du sud et de la Sicile. Ces deux dernières retournèrent au pape deux siècles plus tard ; les autres n’ont plus été séparées du patriarcat. « Il est évident que l’hellénisme aurait couru le plus grand danger, si les foyers principaux de son existence historique avaient continué jusqu’à nos jours à être gouvernés par un clergé placé sous la dépendance de Rome. » Le décret de Léon exerça donc une influence décisive sur les destinées de la nation grecque en confirmant la rupture entre Rome et Constantinople. En Orient, il ne rencontra