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elles conservèrent le libre exercice de leur culte, mais elles furent perdues pour l’empire ; la langue grecque recula devant la langue arabe, qui peu à peu pénétra jusque dans l’église. En Europe, l’empire dut faire aussi des concessions aux Slaves et aux Bulgares, qui, par des luttes presque continuelles, gagnaient du terrain dans les provinces septentrionales. Une sorte d’anarchie ethnologique régnait depuis plusieurs siècles dans tout le nord de L’Europe et poussait les races barbares vers l’ouest et vers le midi. Aucune force humaine ne pouvait arrêter le débordement de ce fleuve. Les Slaves descendirent dans les pays qui furent la Serbie, la Croatie et la Dalmatie ; il fallut les helléniser en les convertissant au christianisme et en leur imposant des chefs désignés par l’empereur. Ils laissèrent les villes aux Hellènes, mais ils occupèrent la campagne et y altérèrent la race dans une certaine mesure. Les Bulgares, race finno-ouralienne et non slave, soumirent d’abord les tribus slaves et s’établirent dans la contrée qui porte encore leur nom. De là ils firent une guerre acharnée à l’empire, descendirent à Sophia et vinrent jusqu’aux portes de la capitale. C’est Léon V qui en 814 leur fit subir à Mésembria une telle défaite qu’ils restèrent plus de cent ans enfermés dans leur pays ; Il n’en est pas moins certain que l’hellénisme avait perdu du terrain dans ces provinces du nord, comme il en avait perdu à l’orient et au midi.

À l’intérieur, une des principales causes de sa faiblesse avait été l’hérésie. Les empereurs avaient tenté, mais en vain, de la réprimer avec l’aide des conciles œcuméniques. Ce mélange du pouvoir laïque et de l’autorité sacrée avait exaspéré les sectaires et les avait quelquefois jetés dans les bras de l’étranger. On avait essayé la conciliation ; mais l’Hénôticon de Zenon et l’Ecthèse d’Héraclius avaient échoué également. Le sixième concile de Constantinople, sous Constantin Pogonat, avait déclaré la foi de l’église et consommé la rupture. Depuis lors la race grecque, qui occupait surtout L’Asie-Mineure, les îles et le sol de la mère patrie, avait identifié son avenir avec celui de l’orthodoxie, abandonnant les sectes à leur propre sort. Ainsi, pour conserver le centre, on avait sacrifié les extrémités ; mais ce centre même se trouva bientôt pénétré de barbares, soit du côté de la Perse, soit au nord par le Danube. Les mœurs s’y altérèrent visiblement. La seconde monarchie persane introduisit dans le monde grec l’usage des eunuques, le faste et le taxe sans frein ; les barbares y apportèrent des supplices étranges et une dureté de mœurs dont les anciens Hellènes n’avaient point eu l’idée. Enfin la langue se corrompit non-seulement dans les rangs du peuple, mais aussi dans les classes élevées de la nation. La religion s’altéra plus encore. La nature idéale du premier christianisme fit place à des démonstrations extérieures ; on donna un sens