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Montesquieu l’avait fait pour Rome, de suivre dans ses migrations et ses retours la race des Hellènes, de montrer les transformations que son esprit a subies, acceptées ou suscitées, les luttes qu’il a soutenues pour se maintenir à travers les siècles et aboutir enfin à, cette phase nouvelle à laquelle nous assistons depuis cinquante ans. C’est ce qu’a fait M. Paparrigopoulo dans une grande histoire de la nation hellénique publiée en grec à Athènes dans ces dernières années, et à laquelle l’ouvrage français que nous allons suivre sert de résumé, oui, plus exactement, d’épilogue. Je ne ferai point ici l’éloge d’un livre qui se louerai lui-même et dont l’importance sera certainement très grande pour ceux qui s’occupent de politique pratique comme pour les professeurs et pour le public. C’est la première fois, croyons-nous, que l’histoire de cette grande race des Hellènes se montre dans sa suite et son unité. C’est la première fais aussi qu’elle est envisagée de cette manière par un patriote calme et juste, dans ses appréciations, non par un critique étranger, mais par un historien grec parlant de sa propre nation.


I

Dès le début de son livre, l’auteur, se plaçant hors de tout système et dans la vérité des faits, réfute la doctrine de l’école allemande dont Ottfried Muller fut le chef, doctrine aristocratique contraire à l’esprit des Hellènes, qui attribue à la race dorienne les meilleures productions de l’ancienne Grèce. Il ne reconnaît point ses vrais ancêtres dans cette race d’envahisseurs qui ont retardé de plusieurs siècles et failli détourner de sa voie la marche de la civilisation. La période que décrivent, les poèmes mis sous le nom d’Homère a précédé l’arrivée des Doriens. Quoique ces poèmes aient été composés plus tard, du moins selon l’opinion vulgaire, ils ne tiennent pas compte de ces conquérans. Ils nous offrent le tableau d’une ou même de deux époques, antérieures à la conquête ; nous y trouvons déjà développés, les éléments essentiels de la société hellénique : le pouvoir populaire tempérant l’autorité royale, la loi morale comme fondement de la société, la monogamie comme fondement de la famille, la poésie, les arts, l’agriculture honorés, le commerce s’étendant jusqu’à l’Égypte, l’industrie naissante, la guerre envisagée comme moyen et non comme but, par-dessus tout une forte tendance vers l’unité nationale. Cette tendance semblait alors ne devoir rencontrer aucun obstacle. L’état social décrit par l’Iliade et l’Odyssée répond à la première floraison de l’hellénisme, qui s’y montre dans sa réalité, avec ses qualités, même avec ses défauts. Ce qui le prouve, c’est que depuis vingt-six siècles la Grèce s’est constamment reconnue, dans le portrait qu’Homère a