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du moins ne devaient pas regretter leur peine ; les dépenses faites par le châtelain en viande de boucherie pour leur nourriture en témoignent. On le voit d’ailleurs aller porter lui-même du vin à des manœuvres qui travaillaient dans ses prés.

Propriétaire de plusieurs domaines, il ne produisait pas tout le blé qu’il faisait vendre. En d’autres termes, s’il faisait valoir un grand domaine, il en affermait d’autres, et touchait des rentes en blé de plusieurs de ces terres ; il avait affermé notamment son moulin de Gouberville à Marie Cateline, qui lui faisait remettre par son serviteur Toussaint le Goupil, pour les années 1561 et 1562, 322 boisseaux d’orge et deux boisseaux de froment. Ces diverses céréales, il les faisait vendre à Cherbourg surtout, à des prix qu’il note pour chaque vente. La moyenne de ces prix pour le blé pendant neuf années ressort à neuf solz et quelques deniers par boisseau. Les plantes textiles, le blé, le chanvre, sont aussi produits au Mesnil et, qui plus est, filés. Il fait travailler à la tâche les ouvriers qui préparaient le chanvre, et, satisfait de leur travail, en sus du salaire il leur fait distribuer diverses sortes de vivres, des jambons, etc. Les fourrages et les plantes fourragères devaient enfin tenir une place notable chez un éleveur qui, comme le propriétaire du Mesnil-au-Val, possédait des troupeaux de bœufs ou vaches, de moutons, de chèvres, de porcs gras à lard, quelques-uns jusqu’à avoir « plus de demy pied de lard d’épaisseur, » et des chevaux qu’il appelle ses « haras. » Le logement de tout ce bétail est nécessairement indiqué : description des étables par quelques traits significatifs ; dépenses pour les préparer ; frais de maçonnerie et prix des journées de maçons ; emploi de l’argile, de l’ardoise tirée de Tourlaville, etc. Il fait mettre des vitres à sa laiterie. Au reste ses vaches vagabondaient trop dans les bois pour qu’il en pût tirer beaucoup de lait. Il achetait le beurre en grande quantité au prix de un sol la livre ; il donne aussi des prix très inférieurs. Il note de même des prix auxquels il vend veaux, génisses, vaches grasses, bœufs, taureaux, moutons, brebis ; il vend ses laines, que se disputent un marchand de Paris nommé Thomas Quatorze, qui vient exprès au Mesnil, et un marchand de Rouen. On s’occupait déjà beaucoup de modifier les chevaux du pays par des croisemens. Il y avait comme aujourd’hui des étalons ambulans. On achetait aussi à Cherbourg des chevaux anglais, des hongres. Ajoutons ses abondantes ruches, nous aurons énuméré à peu près tout ce qui composait cette grande exploitation agricole.

Les monnaies qui servaient à payer tous ces produits et tous ces services ne forment pas une des parties les moins instructives de ce journal. On a peine à se figurer la diversité incroyable de monnaies de toute provenance qui pouvaient passer alors par les mains