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un peu avec le concours des modérés de la minorité. M. Cairoli est un ancien patriote des guerres de l’indépendance, un ancien lieutenant de Garibaldi, un homme qui a beaucoup d’amis. Il s’est associé comme ministre de l’intérieur M. Zanardelli, qui a été le prédécesseur de M. Crispi dans le cabinet Depretis ; il a appelé au ministère des affaires étrangères M. le comte Corti, qui représentait le roi Humbert à Constantinople et qui est depuis longtemps dans la carrière diplomatique. Il a présenté aux chambres un programme peu compromettant dont le seul point significatif est la promesse d’une réforme électorale. La question est de savoir si ce cabinet qui vient d’entrer au pouvoir est bien solide. Le nouveau président du conseil, M. Cairoli, par sa dissidence a renversé M. de Depretis : trouvera-t-il un appui bien chaud dans la fraction de la majorité qui n’a cessé de soutenir le dernier ministère ? D’un autre côté, il a été un peu aidé dans les récens mouvemens de sa stratégie par la droite, qui bien visiblement ne lui a prêté quelque secours que par tactique, pour compléter l’expérience du gouvernement de la gauche. Que sortira-t-il de cette situation ? Il n’est point impossible que tout cela finisse par un appel au pays, par des élections nouvelles. Pour le moment du moins, ce qui est certain c’est que la politique extérieure de l’Italie n’est pas changée ; elle reste fidèle à la neutralité dans les affaires d’Orient, et l’avènement du cabinet de M. Cairoli n’implique nullement des revendications qui pourraient blesser l’Autriche, pas plus qu’un changement d’attitude dans les affaires religieuses vis-à-vis du saint-siège.

Ce ne serait pas le moment. L’exaltation du nouveau pape semble au contraire être devenue le signal d’un apaisement de plus en plus sensible. Ce n’est pas que Léon XIII soit disposé à n’être plus le pape, à abdiquer des droits inhérens jusqu’ici au pontificat. Dans une récente allocution consistoriale, il a parfaitement renouvelé les protestations de la papauté au sujet de la spoliation du saint-siège. C’était un acte prévu ; mais dans la manière d’être, dans les discours, dans toute l’attitude du nouveau pape il y a une mesure singulière. Dans les communications qu’il a eues avec l’empereur de Russie, avec l’empereur d’Allemagne, Léon XIII laisse voir un désir de conciliation. Autour de lui, il encourage fort peu les manifestations bruyantes ; il ne supporte guère les adresses agitatrices et il y répond encore moins. En un mot, on sent un pape qui a sa volonté, ses idées, qui les suivra probablement, et qui semble avant tout préoccupé de bannir les excitations du gouvernement de l’église. C’est peut-être une politique nouvelle qui se prépare au Vatican, la politique d’un pontificat cherchant sa grandeur uniquement dans l’influence religieuse, séparant l’intérêt catholique des intérêts mondains qui l’ont souvent compromis.


CH. DE MAZADE.