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13 février seulement, et il définissait ainsi l’autonomie de la Bulgarie : « La : situation de la Bulgarie serait à peu près celle de la Serbie avant l’évacuation de Belgrade et des autres points fortifiés. » M. de Bismarck supposait donc que les Turcs conserveraient les forteresses du quadrilatère et continueraient d’y tenir garnison, tandis que la Russie exige le démantèlement de ces forteresses et interdit à tout soldat turc l’entrée du territoire bulgare. De même, M. de Bismarck considérait les limites de la Bulgarie comme devant faire l’objet de négociations entre les puissances. Si le chancelier allemand ignorait les véritables exigences du gouvernement de Saint-Pétersbourg, ses éloges de la modération russe se tournent en critiques : s’il en était instruit et feignait à dessein de se méprendre, ses paroles contenaient un avertissement impossible à méconnaître. Enfin, quant à la tâche du congrès lui-même, M. de Bismarck l’a définie le 19 février, comme faisaient l’Autriche et l’Angleterre, et comme le veut le droit international, quand il a dit en termes exprès : « Tout ce qui sera un changement apporté aux stipulations de 1856 aura besoin de la sanction des puissances signataires. » On ne pouvait être plus net et plus précis. A propos de l’indemnité de guerre, le langage de M. de Bismarck n’a pas été moins explicite. « Cette indemnité, a-t-il dit, si elle doit se payer en argent, ne regarderait que les belligérans ; mais, si elle doit se payer en territoire, elle concernerait les signataires du traité de Paris, et devrait être réglée avec leur sanction. » On le voit, si la Russie se proposait de réduire le rôle du congrès à celui d’un simple bureau d’enregistrement, cette prétention n’avait pas l’assentiment du chancelier allemand, qui n’eût point accepté une tâche aussi modeste. En revendiquant la présidence du congrès, si sa réunion avait lieu en territoire allemand, M. de Bismarck invoquait légitimement un usage consacré par la courtoisie diplomatique. Cette présidence, en lui donnant la direction des délibérations, eût ajouté à son influence personnelle ; et, si les remarques qui précèdent ont quelque justesse, on est fondé à croire que cette influence ne se fût pas exercée exclusivement en faveur de la Russie, et qu’au contraire l’Allemagne, tenant compte des intérêts de l’Autriche et du mécontentement de l’Angleterre, eût appuyé diverses modifications au traité de San-Stefano.


III

Après avoir exposé, autant que possible d’après les documens officiels, les dispositions des puissances au moment où s’ouvraient les négociations pour la réunion d’une conférence, il nous reste à résumer ces négociations et à en expliquer l’avortement.