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quart de leurs rentes. On se rappelle comment Boileau lui-même s’est plu à décrire, dans sa deuxième satire, la figure d’un rentier triste victime d’un pareil retranchement :

Plus pâle qu’un rentier
A l’aspect d’un arrêt qui retranche un quartier.


Cette pâle figure, Boileau l’eût sans doute faite lui-même, si le consulat, à la demande, il est vrai, de Villeroy, n’eût décrété en l’honneur de l’auteur de l’Art poétique une exception qui nous a paru non moins honorable pour la ville que pour le poète, lui-même. Fontenelle, à propos d’une rente que firent à Régis messieurs de l’hôtel de ville de Toulouse, touchés, dit-il, des instructions et des lumières qu’il leur avait apportées, s’écrie, non sans quelque ironie contre la lésinerie administrative à l’égard des gens de lettres : « Événement presque incroyable dans nos mœurs et qui semble appartenir à l’ancienne Grèce[1] ! » Sans doute, il ignorait ce trait de l’hôtel de ville de Lyon à l’égard de Boileau, et toutes ses autres munificences à l’égard des gens de lettres et de l’académie, sinon l’événement de Toulouse lui eût peut-être paru un peu moins incroyable. Après avoir vu les commencemens de l’académie dans les lettres de Brossette à Boileau, nous en suivons les développemens dans la correspondance de Brossette avec J.-B. Rousseau, qui commence en 1715 et dure jusqu’à la mort de Rousseau, en 1741.


II

Toujours avide du commerce des grands écrivains et des nouvelles de la république des lettres, Brossette, après la mort de Boileau, s’attache à J.-B. Rousseau et commence avec lui une correspondance qui n’a pas moins d’intérêt pour l’histoire générale des lettres que pour l’histoire particulière de l’académie de Lyon. Il y est beaucoup question de la querelle des anciens et des modernes, où Rousseau paraît à son avantage et fait preuve d’un sens critique supérieur à celui de la plupart de ses contemporains. De son côté, Brossette l’informe exactement de tout ce qui regarde l’académie, et les lettres lyonnaises. Tout en étant lié avec J.-B. Rousseau, il eut l’art de conserver les bonnes grâces de Voltaire, qui lui écrit, sans nulle mauvaise humeur : « Vous ressemblez à Pomponius Atticus, courtisé à la fois par César et par Pompée. »

Cependant l’académie, que nous avons vu prendre naissance dans cette petite société d’amis, se réunissant une fois par semaine dans le

  1. Éloge de Régis.