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traditions d’honnêteté dont ils sont rarement tentés de se départir. Enfin la stabilité des positions, la sécurité qu’elles donnent pour l’avenir, les font vivement rechercher et permettent par conséquent de faire porter les choix sur les plus méritans.

Il ne faut pas se dissimuler cependant que, depuis quelques années, les fonctions sont plus délaissées ou plutôt moins recherchées par les hommes capables de les remplir. Le renchérissement des objets nécessaires à la vie et l’accroissement général du bien-être ont démontré l’insuffisance de la plupart des traitemens, insuffisance qui fait perdre aux fonctionnaires une partie de la considération dont ils jouissaient jadis et qui naturellement écarte des emplois publics ceux qui se sentent capables de faire leur chemin d’une autre façon. Qui voudra consentir à faire les dépenses nécessaires pour subir les épreuves des concours et des écoles spéciales, si ces dépenses ne peuvent conduire qu’à une position ne permettant pas de vivre à celui qui l’occupe ? Il y a là un danger très sérieux auquel il faut parer sans retard, si l’on ne veut voir baisser rapidement le niveau moral et intellectuel de toutes les administrations. Ce n’est pas le nombre, mais la qualité des candidats qui diminuera, et, si la situation se prolongeait, il serait à craindre de voir apparaître chez nous cette plaie de la vénalité dont les États-Unis, aussi bien que la Russie, nous donnent le triste exemple, qui amène avec elle la corruption morale du pays, vicie l’esprit public, rend illusoires les meilleures lois et entrave tous les progrès. Mais pour pouvoir augmenter les traitemens sans grever le budget de nouvelles dépenses il faut procéder à une réforme complète de tout notre système administratif.

Un certain nombre d’auteurs et des plus autorisés, parmi lesquels figurent MM. Vivien, Béchard, Chevillard, de Broglie, ont proposé d’opérer par voie de décentralisation et demandé la reconstitution de la province. Ils pensent qu’entre les départemens et le pouvoir central la distance est trop grande et qu’il conviendrait de réunir ces derniers en plusieurs groupes sur lesquels un conseil provincial serait chargé de veiller ; ils espèrent que des circonscriptions administratives plus étendues permettraient la création de centres intellectuels, développeraient la vie locale et opéreraient une certaine décentralisation morale très désirable pour le pays. Se rappelant l’époque où les états provinciaux, en l’absence du pouvoir central, étaient souvent chargés des intérêts généraux, ils demandent que chaque province soit en quelque sorte autonome et que chaque chef-lieu devienne un centre administratif pour les diverses branches des services publics.

Ces auteurs nous paraissent s’être laissé égarer par leurs