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le système sankya ; l’autre, c’est que la conquête d’Alexandre a trouvé dans l’Inde une philosophie déjà existante. Cependant, tout en admettant l’antériorité des systèmes indiens, on n’a encore rien prouvé en faveur de leur influence sur la philosophie grecque. Il n’y a guère eu en effet de rapports directs de l’Inde et de la Grèce avant Alexandre : or déjà avant cette époque la philosophie grecque était dans tout son éclat. A partir de la fondation d’Alexandrie, on peut parler d’influence orientale et même indienne, mais on ne voit rien de semblable auparavant. Les Grecs ont très peu connu l’Inde. Les récits de Ctésias, qui vivait à la cour des rois de Perse, sont remplis de fables, et ne touchent d’ailleurs en rien à la philosophie. Les Phéniciens ont pu avoir des rapports de commerce avec les Indiens ; mais ce serait une voie bien indirecte et bien lente pour propager des systèmes de philosophie.

Tout document historique faisant défaut, il ne reste plus que ce qu’on appelle les argumens intrinsèques, c’est-à-dire la comparaison des doctrines. Voici les différens points de rapprochement qui ont été ou qui peuvent être signalés. On retrouve d’abord dans la philosophie sankya, l’une des plus anciennes de l’Inde, nous l’avons vu, la doctrine des cinq élémens, l’eau, l’air, le feu, la terre et l’éther. Or cette doctrine, comme on sait, se rencontre en Grèce : l’eau chez Thalès, l’air chez Anaximène, le feu chez Héraclite, et ces trois élémens avec la terre chez Empédocle ; enfin à ces quatre élémens Aristote a ajouté plus tard l’éther, qui compose la matière du monde céleste, tandis que les quatre autres élémens sont la matière du monde sublunaire. Une seconde analogie se tire de la doctrine des atomes. Il y a dans l’Inde une physique atomistique, celle de Kanada, qui rappelle celle de Démocrite. Il combattait la divisibilité à l’infini en disant que, dans cette hypothèse, un grain de moutarde serait aussi gros qu’une montagne, un moucheron qu’un éléphant. En troisième lieu, le système nyaya est une logique que l’on a rapprochée de celle d’Aristote. L’argument nyaya serait, dit-on, la même chose que le syllogisme. Une tradition rapportée par le Dabistan, livre persan, nous dit que Callisthène avait envoyé à Aristote des livres indiens où il aurait puisé la doctrine du syllogisme. La métempsycose est aussi une doctrine dont on ne peut contester l’existence chez les deux peuples : elle est au fond de toutes les doctrines indiennes sans exception ; en Grèce, on la retrouve chez Pythagore et chez Platon, et ce qui autorise à croire que cette doctrine est empruntée, c’est que ce dogme n’existe pas dans la religion des Grecs ; il n’est donc pas indigène, il doit venir du dehors. Un autre dogme, d’un caractère tout métaphysique et d’une grande profondeur, est le dogme de l’enveloppement et du développement alternatif du