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introduisait le premier dans la science la doctrine des causes finales et de la Providence, l’idée d’un être qui a tout dirigé et qui gouverne tout, et qui fait toutes choses pour le mieux, τὸ βέλτιστον. C’est ce dernier principe, le principe du bien, qui, joint au principe de la connaissance de soi-même, constitue la philosophie de Socrate et qui achève la série des idées proposées et découvertes dans les deux premiers siècles de la philosophie grecque.

Nous venons de résumer rapidement le sujet du premier volume de M. Ed. Zeller, dont M. Boutroux nous a donné la première moitié dans sa traduction. Maintenant nous connaissons assez les commencemens de la philosophie grecque pour aborder l’autre point de vue de la question, à savoir les origines orientales de cette philosophie.


II

La théorie des origines orientales de la philosophie grecque est née, comme cela devait être, à Alexandrie. Après Athènes et avant Rome, Alexandrie a été la plus grande ville savante et intellectuelle de l’antiquité. Fondée par Alexandre dans une situation admirable, elle devint, comme on l’a dit si souvent, le centre de la fusion qui s’opérait alors entre l’Occident et l’Orient. C’est là que la Grèce étudia de près et commença à connaître avec quelque profondeur ce qu’elle n’avait fait jusque-là qu’effleurer. La pensée grecque et la pensée orientale, en se rencontrant à Alexandrie, se reconnurent l’une l’autre ; plus frappées de leurs analogies que de leurs différences, elles furent tentées de croire qu’elles avaient une origine commune. L’Orient, en se fondant sur la priorité dans le temps, se donna les honneurs de la paternité, et la Grèce, préoccupée de la fusion des deux mondes, ne se refusa pas à admettre ces prétentions et même les encouragea.

Parmi les nations qui servirent alors surtout d’intermédiaires entre les deux races, et furent en quelque sorte les courtiers de la civilisation orientale, se placent les Juifs. Les Juifs, qui avaient été pendant longtemps une race aussi fermée que l’ancienne Égypte, transplantés d’abord à Babylone et à Ninive, puis renvoyés à Jérusalem, puis se répandant en Égypte et bientôt jusqu’à Rome, commençaient alors leur vie nomade à travers le monde, et furent le principal ferment de la grande fusion qui se préparait. Le judaïsme, il faut le reconnaître, avait précédé le christianisme dans la grande œuvre de la conversion des gentils. La version des Septante fut le premier acte de cette conquête du monde occidental par l’Orient.

Ainsi la première école philosophique qui entreprit la mixtion des