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nuages, de créer ou d’imaginer des conflits entre les deux chambres et, pour tout dire, d’entretenir une petite guerre contre le sénat.

Que signifie tout cela, cependant ? En définitive, il y avait un certain nombre de lois formant une sorte de programme politique et soumises au parlement. Il y avait la loi sur la liberté du colportage des journaux, le sénat l’a votée. Il y avait la loi sur l’état de siège, le sénat l’a approuvée. Il y avait la loi sur l’amnistie, en faveur des délits de presse commis pendant la période du 16 mai, — le sénat vient de la voter en effaçant, il est vrai, la date du 16 mai et en adoptant pour les effets de l’amnistie la période annuelle du Ier janvier au 31 décembre 1877. Il y avait aussi le budget : en quoi donc le sénat a-t-il montré son intempérance ou son animosité contre la république ? Il a cru devoir adopter quelques amendemens, trois ou quatre augmentations de crédits sur les invalides, sur les bourses des séminaires, sur les remontes. Franchement, si le sénat ne peut pas modifier une loi ou restituer quelques crédits dans le budget, sans que la chambre des députés relève cela comme un défi, sans qu’on menace aussitôt la première assemblée, quelle idée se fait-on du régime parlementaire, du jeu des institutions libres ? Quand même le sénat se tromperait quelquefois dans ses votes, il en a le droit ; la chambre des députés, elle aussi, a ce droit dont elle use libéralement. Et au bout du compte comment tout cela finit-il ? Lois et budget sont votés : on aurait dû commencer par là, on se serait épargné les émotions de ces perspectives de conflits sans raison sérieuse et d’une petite guerre bien inutile.

On ne fait pas de la politique de tous les jours avec de l’histoire, avec les évocations des temps évanouis ; mais l’histoire est une bonne conseillère de la politique, parce qu’elle est l’expérience condensée, parce qu’elle montre à leur source des événemens dont on subit encore après bien des années les lointains effets. Une question reste livrée à des discussions sans cesse renaissantes après un siècle. Quel est le caractère définitif de la révolution ? Dans quelle mesure a-t-elle été nécessaire, ou stérilement violente ? Où est la limite entre les fictions de l’esprit de parti et la réalité, entre ce qui est légitime et ce qui n’est qu’une conception chimérique ? C’est là précisément l’objet des fortes études que M. Henri Taine poursuit sur les Origines de la France contemporaine, et dont il vient de publier la seconde partie sous ce titre d’une simplicité éloquente : la Révolution ! Par elle-même, cette étude nouvelle, œuvre d’un talent vigoureux, est un des signes les plus frappans des transformations d’idées qui s’accomplissent sous la pression des événemens.

Jusqu’ici on a eu surtout ce qu’on pourrait appeler la légende des temps révolutionnaires. La révolution a eu ses apologistes et ses détracteurs qui, même en étant quelquefois d’éminens historiens, ne se défendaient pas d’un généreux parti-pris, d’une préférence en quelque sorte instinctive. Le livre de M. Taine, c’est la critique libre, positive