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soin de plaider de nobles causes, auxquelles ils sont devenus infidèles. Il est seul aujourd’hui à dénoncer les abus du militarisme, véritable plaie d’Égypte dont souffre l’Allemagne et qui l’atteint dans sa richesse, dans son bien-être, sans qu’elle ose s’en plaindre. Il est seul à protester contre les grandes iniquités de l’histoire, contre l’idolâtrie du succès, contre les guerres de conquête, contre les violences de l’épée. Au mois de septembre 1870, des socialistes furent chargés de fers, traînés sur les grandes routes comme des malfaiteurs et enfermés dans une forteresse. Avaient-ils réclamé le partage des biens ? Non, ils demandaient au lendemain de Sedan que leur pays fît une paix honorable avec la France et reconnût à deux provinces conquises le droit de disposer d’elles-mêmes. La sainte justice était avec eux ce jour-là sur les grands chemins, elle les a aidés à traîner leurs chaînes. C’est pour avoir commis le même crime que M. Liebknecht s’est vu condamner à deux années d’emprisonnement, qui ne l’ont point converti. Toutes les fois qu’il a eu dans le Reichstag l’occasion de frapper d’anathème les annexions brutales, il a trouvé de nobles paroles, des accens chaleureux, et il a dû se dire : Quelle vertu est entrée en moi et me rend éloquent ?

L’auteur d’une brochure récemment parue sur les Partis dans l’empire allemand affirme avec raison qu’il n’est pas au pouvoir du communisme, quoi qu’il fasse, de troubler l’ordre public en Allemagne, que toute entreprise violente qu’il tenterait serait bientôt réprimée, mais qu’il est un ferment, une cause de malaise, une complication politique du caractère le plus fâcheux. Sa conclusion est que la démocratie sociale doit être regardée comme une maladie d’enfant de l’empire germanique et qu’il faut traiter les maladies d’enfans avec beaucoup de soin pour qu’elles n’aient pas de suites pernicieuses[1]. Le meilleur moyen, pensons-nous, de combattre la démocratie sociale serait que certains gouvernemens, qui font de la politique révolutionnaire aussi souvent qu’ils y trouvent leur compte, s’abstinssent à l’avenir de donner aux peuples de néfastes exemples, peu propres à développer en eux le sentiment du droit et le respect de la justice. Peut-être aussi les socialistes perdraient-ils beaucoup de leur crédit, si désormais les libéraux leur disputaient l’honneur de rappeler à l’Europe d’immortelles vérités, qui, méconnues des sages, se sont réfugiées chez les fous, dont elles font prospérer l’industrie.


G. VALBERT.

  1. Die Parteien im deutschen Reich, von R. Bredt. Leipzig, 1878. Page 56.