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moins bien préparé par l’art du dramaturge que par celui du romancier, et il paraît presque insuffisant dans sa sobriété héroïque pour dissiper l’impression des trois actes de dévergondage auxquels on vient d’assister.

Il faut bien que cet accord soit ce qu’il y a de plus difficile et de plus rare, puisque nous voyons la collaboration de M. Emile Augier avec M. Edouard Foussier répéter l’histoire de la collaboration avec Jules Sandeau. La personnalité de M. Foussier est moins connue du monde littéraire que celle de Jules Sandéau ; ce que nous, savons de lui, c’est qu’il est très ancien ami de M. Augier et qu’il y a par conséquent entre eux mieux que de la sympathie d’intelligence. C’est un homme d’esprit incontestablement, mais de quelle nature d’esprit, voilà ce qu’il est plus difficile d’établir, puisque nous n’avons pour en juger que les pièces écrites sous la raison sociale Augier et Foussier. Eh bien, il nous semble cependant que ces documens interrogés avec soin permettent des conclusions qui n’ont rien de trop téméraire ni de trop forcé. Dirai-je à M. Augier que sur les trois pièces qu’il a écrites avec M. Foussier, il y en a deux, Ceinture dorée et Un beau mariage, où l’on sent d’une manière très marquée la présence d’un autre esprit que le sien ? La différence n’est que de nuance, car les deux esprits sont évidemment de la même famille, mais les jumeaux ne sont pas nécessairement des ménechmes, et ce sont des ménechmes que réclame une œuvre en collaboration pour acquérir cette unité dont nous avons vu un si rare exemple dans le Gendre de M. Poirier. Les qualités qui distinguent les deux pièces dont nous venons de donner les titres sont bien celles qui sont propres à M. Augier, seulement elles y sont pour ainsi dire aggravées. C’est bien la même vigueur, seulement cette vigueur tourne en masculinité ; c’est là même franchise, mais avec une pointe de brutalité plus aiguë ; c’est le même naturel, mais poussé jusqu’à une robuste trivialité ; le même esprit comique, mais avec moins de finesse, une tendance très prononcée au burlesque et des inventions quasi foraines du plus amusant effet. Comme nous ne retrouvons pas, l’analogue de tout cela dans le reste du théâtre de M. Augier, nous pouvons en induire que ces aggravations sont le fait de M. Foussier et peuvent être prises comme indice d’un talent comique de même nature que celui de M. Augier, moins mesuré et plus trouble, mais peut-être avec plus de tempérament et de fougue primesautière.

Le bonhomme Roussel de Ceinture dorée, barbon enrichi par des moyens malhonnêtes, qui, voulant à toute force marier sa fille qu’il adore cependant, va la jetant à la tête des premiers venus, n’est-il pas un personnage divertissant à la façon de l’ancienne comédie, et quelque peu proche parent de Cassandre ou de Géronte ? Quel