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Jacques Dupont et Jean Graffand, toujours détenus à Montpellier. A peine arrêtés, ils avaient été l’un et l’autre l’objet d’une manifestation ayant pour but de les faire mettre en liberté. Une pétition fut même signée en faveur de Graffand par plus de deux cents personnes appartenant à toutes les classes de la société, qui rendaient hommage à son « bon royalisme. » Ce singulier document existe au dossier de la procédure, et l’on ne peut se défendre de penser que des menaces terribles ont seules pu réunir tant de signatures honorables sous l’affirmation d’un mensonge. Des démarches analogues furent faites pour Trestaillons. Toutefois la justice tint bon, et les deux scélérats furent renvoyés d’abord à Lyon, puis à Riom, devant le juge d’instruction. Malheureusement les faits firent défaut à l’accusation. Contre Trestaillons, contre cet homme qui avouait plus tard avoir mis à mort six personnes, et qui, — toute la ville de Nîmes le savait, — avait eu la main dans la plupart des meurtres et des spoliations que nous avons racontés, il n’y eut qu’une plainte de violation de domicile à main armée et d’arrestation arbitraire. Contre Quatre taillons, la plainte n’existait même pas. Il s’agissait seulement de savoir s’il avait ordonné l’exécution des six paysans de Saint-Maurice, fusillés à Uzès le 15 août, ou si, comme il le prétendait, la foule les lui avait arrachés et les avait frappés, malgré ses efforts pour les sauver. Dans ces conditions, l’instruction était impossible. Le 16 février 1816, le procureur du roi à Uzès écrivait : « Les élémens d’une procédure sont au pouvoir de M. le procureur général de Riom. Il n’a qu’à faire informer et il obtiendra la preuve des divers faits dont Graffand est prévenu. Mais je doute fort qu’on obtienne des dépositions directes contre lui et contre ceux de sa bande. Cette affaire, je l’ai toujours dit et écrit, est du nombre de celles qu’il ne faut pas activer. Le temps la rendra chaque jour plus facile à instruire. Mais les têtes ne sont point encore assez calmes pour qu’on puisse se promettre un résultat conforme à la vérité[1]. » Le 31 mai suivant, le garde des sceaux Dambray écrivait à son tour : « Comme il parait que ces crimes sont de notoriété publique, mais qu’ils n’ont pas été constatés d’une manière légale, et qu’en supposant que les officiers de police pussent indiquer des témoins, il serait fort douteux que ceux-ci voulussent dire la vérité, je sens combien il sera difficile d’obtenir dans cette affaire des preuves complètes. Quoi qu’il en soit, je vous recommande de faire commencer sans délai l’instruction sur le peu de renseignemens et de pièces que vous avez déjà, sauf à demander au procureur du roi à Uzès de vous indiquer quelques témoins. Le défaut de poursuites serait encore plus scandaleux que l’impunité,

  1. Documens judiciaires. Archives de la cour de Riom.