Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 26.djvu/626

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est à l’occasion des événemens du 16 octobre que le général de Briche écrivait de Montpellier : « Je vois clairement les moyens affreux que la canaille, sous le manteau du royalisme, emploie pour se porter à tous les excès et en rejeter le blâme sur les bonapartistes qui ont déjà bien assez de leurs propres fautes… Le but bien connu de ces prétendus royalistes et faux partisans du roi n’est autre que le pillage et le sac des maisons protestantes, qui seules font plus des deux tiers des affaires commerciales de cette ville et entretiennent par leur fabrication une population de 12,000 à 15,000 âmes[1]. » Le ministre de la guerre lui répondait : « Dans de semblables circonstances, toutes les autorités locales devront réunir leurs efforts pour le maintien de l’ordre, bien sûres d’être approuvées par le gouvernement dans les mesures de rigueur qu’elles auront prises. L’intention de sa majesté est qu’on poursuive avec sévérité, sans acception d’opinion, tout individu qui aura attenté à la tranquillité publique[2]. »

Dans la longue série de crimes que nous venons de raconter, les protestans du Gard avaient été cruellement éprouvés. Sans affirmer qu’ils eussent été les seules victimes des passions locales, on peut dire que c’est leur sang surtout qui avait été versé. L’Europe s’était émue ; plusieurs voix s’étaient élevées pour demander vengeance. Le gouvernement comprit qu’il devait une éclatante réparation à des citoyens injustement frappés et longtemps menacés dans leur vie et dans leurs biens. Par l’ordre du roi, le duc d’Angoulême se rendit à Nîmes, afin de prêcher la concorde. Le consistoire protestant se présenta à lui, invoqua sa protection et obtint la promesse que les temples fermés depuis plus de quatre mois seraient enfin rouverts. Le prince, en faisant cette promesse, demanda à tous les citoyens « d’obéir aveuglément au roi et de concourir par leur soumission au maintien de la paix publique. » Il se prononça avec énergie contre toute réaction nouvelle.

Malheureusement, le jour même où il quitta Nîmes, une rixe, survenue dans la commune de Calvisson entre des gardes nationaux et des paysans, qui coûta la vie à un homme, vint démontrer l’inefficacité de ses conseils. Le général de Lagarde, qui l’avait accompagné à Montpellier, revint à Nîmes le 12 novembre pour présider au rétablissement du culte protestant fixé à ce jour. Des précautions militaires avaient été prises. A dix heures, on vit le pasteur Juillerat, président du consistoire, traverser la ville, en compagnie du maire, pour se rendre au temple. Tous les protestans se dirigeaient du même côté ; quelques-uns, en signe de joie, portaient

  1. Archives nationales. Dossier des événemens du Midi en 1815.
  2. Archives du dépôt de la guerre.