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commandant le département de Vaucluse, qui cherchait à lui porter secours, mais sans pouvoir arriver jusqu’à lui, tandis que chaque jour des détachemens royalistes venaient aux portes de Nîmes. Le 5 juillet, l’un d’eux apporta une lettre du général de Barre, sommant le général de faire sa soumission au roi. Cette lettre était ainsi conçue : « Général, les forces supérieures que je commande me mettent à même de me rendre maître de la ville de Nîmes que vous occupez. L’humanité m’a fait différer jusqu’à ce moment de les employer, espérant que vous arboreriez le drapeau blanc et vous déclareriez pour le roi Louis XVIII. Quelques instans vous sont encore donnés, et je vous invite d’en profiter sans délai. Si telles sont vos dispositions, et si vous partagez, comme je m’en flatte, mon désir d’épargner l’effusion du sang et les désordres qui pourraient résulter d’une mesure qui ne serait point concertée, envoyez quelqu’un de confiance avec lequel je puisse travailler et parer à ces inconvéniens[1]. » À cette lettre, Gilly répondit par un refus, et l’on en serait venu sans doute aux mains, sans l’intervention du conseil municipal, qui fit accepter des partis une trêve provisoire à l’effet d’attendre les résultats des événemens de Paris.

Quelques jours s’écoulèrent ainsi. On apprit enfin le rétablissement de Louis XVIII par l’ordonnance royale qui prescrivait à tous les fonctionnaires destitués pendant les Cent jours de reprendre leurs fonctions. Le comte de Bernis fit alors une tentative nouvelle pour obtenir la soumission de la ville. Le général Gilly répondit en proclamant Napoléon II. En même temps, afin de se débarrasser des exigences royalistes, il préparait un coup de main sur Beaucaire, après avoir envoyé au général Cassan, maître de la citadelle du Pont-Saint-Esprit, l’invitation de marcher de son côté, de manière que leur jonction, faite à propos, leur assurât la victoire. Un incident vulgaire fit avorter ce projet. L’émissaire qui portait au commandant militaire de Vaucluse les ordres de Gilly se laissa prendre par les patrouilles qui tenaient la campagne entre Beaucaire et Nîmes[2]. Le comte de Bernis, averti à temps, put dicter des mesures défensives contre lesquelles l’expédition échoua.

Le chef-lieu du Gard fut alors en proie à une véritable terreur, car, menacé à la fois par les troupes royalistes et par les bandes de la Gardonnenque, il avait en outre tout à redouter du général Gilly, déterminé à vaincre ou à périr[3]. Un grand nombre

  1. Archives du dépôt de la guerre.
  2. Il se nommait Brémond. Envoyé dans la prison d’Uzès, il y fut massacré le 3 août avec d’autres détenus, ainsi qu’on le verra tout à l’heure.
  3. C’est sans doute à cette situation que Fouché faisait allusion dans un rapport au roi, en date du 8 juillet : « Le royalisme du Midi, écrivait-il, s’exhale en attentats. Des bandes armées pénètrent dans les villes et parcourent les campagnes. Les assassinats, les pillages se multiplient. La justice est partout muette. Il n’y a que les passions qui parlent et soient écoutées. Il est urgent d’arrêter ces désordres… (Archives du dépôt de la guerre.)