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de garde nationale. Les receveurs des postes, de l’enregistrement, des contributions directes et indirectes, les fermiers du Pont de Beaucaire durent verser 8,500 francs. On accrut ces ressources par des emprunts. Un agent secret envoyé à Marseille, où le marquis de Rivière s’était installé comme commissaire du roi, obtint par son entremise, des bâtimens anglais qui croisaient en vue du port, des armes et des munitions qu’il rapporta dans Beaucaire, où il ramena en même temps plusieurs officiers emprisonnés au château d’If pendant les Cent jours et que le peuple marseillais avait délivrés. Parmi eux se trouvait le colonel Magnier, qui entreprit avec succès de lever un corps de troupes à Tarascon. Enfin la garnison d’Aigues-Mortes envoya au camp de Beaucaire deux pièces de canon et des artilleurs. L’armée royaliste, forte de plus de 2,000 hommes, fut placée sous les ordres du chevalier de Barre, maréchal de camp. En même temps, le comte de Bernis désignait le marquis de Calvières comme préfet provisoire du Gard.

De son côté, le général Gilly se préparait à une défense désespérée. Prévoyant le cas où il serait obligé d’évacuer Nîmes, il venait de faire des Cévennes du Gard, en sa qualité de commissaire impérial, le point de ralliement d’une vaste insurrection dont les fédérés d’Avignon, de Marseille et de Nîmes, les populations de la Gardonnenque et de la Vaunage[1], et les troupes rebelles lui auraient fourni les élémens. Appuyé sur la citadelle du Pont-Saint-Esprit, qui tint pour l’empereur jusqu’au milieu de juillet, disposant de populations fanatisées, il aurait pu facilement appeler à son aidé celles du Dauphiné et faire du Gard un foyer de résistance à la restauration, et, comme on disait alors, une Vendée patriotique. Chose étrange, le général Gilly, auquel était acquise la majorité des sympathies protestantes, était catholique ; par contre, le général de Barre, dont les forces se composaient presqu’en totalité de catholiques, était protestant, ainsi que plusieurs des fonctionnaires qui furent ultérieurement nommés par le commissaire du roi. Ce simple fait permet d’affirmer qu’en ce moment ce sont bien les passions politiques qui étaient aux prises et que c’est plus tard seulement que les passions religieuses vinrent les envenimer. Le général Gilly avait sous ses ordres 500 hommes du 13e de ligne, deux compagnies du 67e, 250 chasseurs du 14e, un bataillon composé d’officiers à la demi-solde, désigné sous le nom de « bataillon sacré, » 900 hommes de garde urbaine et environ 1,600 paysans armés. Il y ajouta de l’artillerie qu’il envoya chercher au Pont-Saint-Esprit. Néanmoins, bien qu’il disposât, comme on le voit, de forces

  1. On désigne ainsi quelques communes, entre Nîmes et la Vidourle, dans la vallée de Nages.