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Gilly avait prévu ce dénoûment et, laissant une poignée d’hommes dans la citadelle, était rentré dans Nîmes, où il se sentait plus fort qu’à Montpellier. « Tout autour de moi est en pleine insurrection, » écrivait-il au ministre de la guerre. Le 30 juin, à Mende, chef-lieu de la Lozère, le peuple se souleva, attaqua la préfecture sous les ordres d’un ancien émigré, arrêta les autorités, et se fit livrer les armes enfermées dans les casernes, qui furent distribuées à trois mille paysans. Mais, en moins de vingt-quatre heures, le département se soumit à Louis XVIII, sans que le sang eût coulé. A Agde, on eut à regretter des actes de dévastation dont on essaya plus tard d’atténuer le caractère coupable en imprimant cette phrase : « Le peuple, en pillant, a associé son souverain à son ressentiment. » La petite garnison de cette place fut désarmée et prit la fuite pour échapper aux mauvais traitemens ; puis les insurgés marchèrent sur l’Aveyron d’un côté, sur Pézenas et Béziers de l’autre, et y firent arborer le drapeau blanc. Au Vigan, la nouvelle de Waterloo fut apportée, le 28 juin, par des déserteurs qui entrèrent dans la ville aux cris de Vive le roi ! Le sous-préfet fut arrêté et conduit à Montpellier, où il subit une longue détention. C’est dans le récit qu’il nous a laissé de son infortune qu’on voit apparaître pour la première fois Jacques Dupont, dit Trestaillons, qu’il accuse d’avoir dit : « Je regrette bien de n’avoir pas rencontré ce sous-préfet. Je lui aurais envoyé un coup de fusil. »

Cependant Beaucaire s’était aussi prononcée pour le roi. Cette petite ville, à laquelle la foire qui s’y tient tous les ans a assuré une réputation universelle, est située aux bords du Rhône qui la sépare de Tarascon, et à 30 kilomètres de Nîmes. Le 26, elle arbora le drapeau blanc. Inquiet sur les suites de cette manifestation, le conseil municipal, qui connaissait la résolution du préfet du Gard et du général Gilly de maintenir dans Nîmes l’autorité de l’empereur, les fit avertir de ce qui venait de se passer, en les adjurant de ne rien tenter pour contenir le mouvement royaliste de Beaucaire, s’ils ne voulaient provoquer une résistance désespérée. Le général Gilly fit la promesse qu’on lui demandait. Mais, durant la nuit suivante, une troupe de fédérés partit de Nîmes sans ordre, afin d’aller soumettre aux autorités impériales les Beaucairois révoltés. Elle vint se briser contre un détachement de garde nationale qui gardait la ville. A dater de ce jour, Beaucaire songea à s’organiser pour la défense. Le comte de Bernis s’y rendit et prit en main cette organisation.

Les volontaires royaux et les déserteurs, lassés de leur vie errante, accoururent, ainsi que les habitans des communes voisines dévouées aux Bourbons. Avec les premiers, on forma un régiment de ligne et un escadron de chasseurs à cheval ; avec les seconds, un bataillon