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guet-apens se présentèrent aux abords de Nîmes, ils y rencontrèrent des bandes de fédérés qui les dépouillèrent et leur firent subir les plus cruelles avanies. Ceux qui, pour rentrer chez eux, étaient obligés de traverser la Gardonnenque, y furent victimes d’actes barbares. Les populations, qui sous le manteau du bonapartisme cachaient d’anciens préjugés et de vieilles haines, tenaient la campagne et gardaient les villages afin d’en interdire l’approche aux volontaires royaux. Elles s’acharnèrent contre ces malheureux, dont plusieurs trouvèrent la mort dans la commune d’Arpaillargues. Le scapulaire étalé sur leur poitrine, la fleur de lis rouge cousue sur leur uniforme et leur cocarde blanche les firent reconnaître. A l’entrée du village que traverse la route, on les désarma par mesure de précaution, leur dit-on. Ils se laissèrent faire. Mais, soit que leur nombre, — ils étaient soixante-quatre, — eût alarmé les habitans, soit qu’eux-mêmes, par leur attitude et leur langage, les eussent provoqués, on les attaqua. Hors d’état de se défendre, ils se dispersèrent en courant. Les gens d’Arpaillargues s’élancèrent derrière eux à travers champs, armés de fusils et de fourches. « On leur donna la chasse comme à des bêtes fauves, » disait plus tard, devant la cour d’assises de Nîmes, le procureur-général. Sept d’entre eux périrent. L’intervention de quelques femmes, plus exaltées et plus cruelles que les hommes, vint ajouter à l’horreur de leur supplice. Quatre, renversés par la fusillade, furent mis nus, percés de coups dans toutes les parties du corps, déchirés au visage avec des ciseaux. Les archives judiciaires nous ont conservé le récit de ces horreurs, dont les auteurs, au nombre de dix-sept, furent poursuivis l’année suivante et condamnés, à l’exception d’un seul, onze à mort, deux aux travaux forcés, trois à cinq ans de prison. Cinq furent exécutés.

À ces terribles provocations vint s’ajouter la compression rigoureuse à laquelle fut soumis ce département royaliste, toujours prêt à se révolter. Puis ce furent des levées d’hommes. Il y eut alors un grand nombre de déserteurs. Ils allèrent grossir les bandes des volontaires fugitifs qui erraient dans la campagne, se cachaient dans les bois, dans les montagnes, dans les marais et jusqu’aux bords de la mer, entre Agde, petit port sur la Méditerranée, dans l’Hérault, et le hameau des Saintes-Maries, à la pointe de la Camargue. Cette population vécut ainsi pendant deux mois, mal vêtue, mal nourrie, couchant sur la terre nue, rôdant, affamée, aux environs de Nîmes, de Saint-Gilles, d’Aigues-Mortes, se glissant parfois dans Montpellier, où les royalistes lui distribuaient quelques secours, s’employant dans les métairies, toujours sur le qui-vive, toujours menacée par les fédérés qui faisaient dans les champs