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temps en temps la fureur populaire, toujours excitée contre les chrétiens, entraîne les magistrats des cités, les gouverneurs des provinces et l’empereur lui-même à persécuter des gens qui prêchent un Dieu nouveau. Ils en ont le droit, et, quoi que disent les apologistes, les poursuites sont régulières et légales. Mais, une fois cette effervescence de colère calmée, les rigueurs s’arrêtent. On affecte de ne plus regarder « la corporation des frères, » — « les adorateurs du Verbe, » que comme une de ces sociétés à demi religieuses et à demi civiles (cultores Jovis, cultores Dianœ, etc.) qui ont été instituées pour donner la sépulture à leurs membres, et on les laisse jouir de la même tolérance qu’on accorde aux autres.

M. de Rossi fait remarquer que cette tolérance était rendue plus aisée par le soin que prenait l’église de ne pas heurter les usages communs quand elle n’y trouvait rien à reprendre et de se conformer autant que possible aux coutumes des associations ordinaires. Un païen qui, en passant sur la voie Prénestine, aurait été tenté de visiter le cimetière de Domitille, n’y aurait rien trouvé qui le surprît autant que nous sommes portés à le croire. Les arabesques charmantes qui ornent la voûte du corridor d’entrée, ces branches de vigne gracieusement entrelacées, ces scènes de vendange, et ailleurs ces oiseaux et ces génies ailés voltigeant dans l’espace vide, lui auraient rappelé ce qu’il avait tous les jours sous les yeux dans les appartemens des gens riches. Les épitaphes, s’il s’était arrêté à les lire, pouvaient lui paraître sans doute différer assez des inscriptions ordinaires ; elles ne contenaient pourtant presque rien qui ne se trouvât ailleurs. Même les souhaits « de paix et de rafraîchissement » qui nous en semblent la partie la plus originale sont empruntés à certains cultes orientaux qui s’étaient depuis longtemps acclimatés à Rome. Au premier abord, et pour un observateur un peu pressé, les funérailles chrétiennes devaient beaucoup ressembler aux autres. Prudence dit qu’on semait la tombe de feuillage et de fleurs, et qu’on versait sur le marbre des libations de vin parfumé. On avait surtout conservé l’usage de fêter par des banquets les anniversaires funèbres. A côté de l’entrée du cimetière de Domitille on trouve encore la salle à ranger où se réunissaient les frères pour célébrer la mémoire de leurs morts. M. de Rossi montre par des exemples curieux combien ils s’étaient attachés à reproduire, au moins pour l’extérieur et l’Apparence, ce qui se passait dans les triclinia des autres associations ; en sorte qu’un païen qui aurait assisté à ces repas se serait cru dans l’une de ces belles sépultures que possédaient les grandes familles ou les collèges importans de Rome sur la voie Appienne eu la voie Latine. D’autres historiens ont été surtout frappés des différences radicales qui séparaient le christianisme des religions au milieu desquelles il s’établit ; M. de Rossi nous montre les ressemblances,