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l’autorité civile et l’obéissance au prince. Ceux qui, comme Polyeucte, s’en allaient le jour de leur baptême renverser les statues des dieux étaient fort rares, et M. Le Blant a montré dans une dissertation intéressante que l’église les condamnait sévèrement et qu’ils commettaient une action coupable. On ne s’exposait pas volontiers aux persécutions ; on faisait tout pour les éviter, et l’on ne se résignait à braver la mort que quand il n’y avait plus moyen de vivre sans renier sa foi. Des gens ainsi disposés, qui souhaitaient la paix et fuyaient avec soin tous les conflits, n’ont dû rien négliger pour se mettre en règle avec l’autorité. Ils ne demandaient pas mieux que de se couvrir eux-mêmes de ces lois qu’on invoquait si souvent contre eux. Précisément ce sénatus-consulte sur les collegia funeraticia leur en donnait le moyen ; il ne demandait aucun sacrifice à leurs croyances, il n’exigeait d’eux aucun mensonge : les chrétiens pouvaient bien affirmer qu’ils formaient, eux aussi, une « association de funérailles, » puisqu’ils regardaient comme leur premier devoir de donner une sépulture honorable à leurs morts de toute condition. En se faisant reconnaître par l’état, qui ne pouvait guère leur refuser ce qu’il accordait à tout le monde, non-seulement ils devenaient propriétaires légitimes de leurs cimetières, mais ils acquéraient le droit de se réunir sans être inquiétés et de posséder une caisse commune. C’était un grand avantage : la façon dont s’exprime Tertullien quand il parle des associations chrétiennes, et plus encore la raison et le bon sens nous engagent à croire qu’ils ne s’en sont pas volontairement privés.

Cette opinion, il faut l’avouer, est fort contraire aux idées reçues : elle risque de choquer ceux qui se représentent le christianisme naissant comme une sorte de secte intransigeante qui avait horreur de la société civile et ne voulait à aucun prix s’y mêler ; mais elle a le mérite de rendre raison de faits qui semblaient jusqu’ici fort obscurs. On ne comprenait pas comment les chrétiens pouvaient accomplir de si grands travaux aux catacombes, y introduire leurs ouvriers pour creuser les galeries et en extraire les décombres sans éveiller l’attention de la police impériale. La surprise cesse quand on sait qu’ils l’ont fait au grand jour et avec l’assentiment de l’autorité. La même opinion permet aussi d’expliquer mieux qu’on ne l’avait fait les alternatives que l’église a traversées pendant les deux premiers siècles. Sa situation alors était double, et on pouvait lui être indulgent ou sévère suivant le côté par lequel on la considérait. Comme religion nouvelle, elle devait être interdite : la loi était formelle et proscrivait tous es cultes étrangers qui n’avaient pas été acceptés par un décret du sénat ; mais comme « collège de funérailles » elle était autorisée. Le là une sorte d’hésitation du pouvoir dans ses rapports avec l’église et les vicissitudes par lesquelles on la fait passer. De