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portée à soutenir de ses sympathies M. le ministre des travaux publics, et en même temps qu’elle aura de la peine à se laisser gagner absolument à des projets dont la conséquence serait d’étendre et d’aggraver les interventions de l’état. Sur ce point, elle sera rétive et elle aura raison. Ce que sera le vote définitif du parlement, on ne le sait pas encore, on ne le sait pas même pour la chambre, des députés et à plus forte raison pour le sénat ; mais à part les questions de système et les combinaisons pratiques, immédiates, que l’état présent de quelques chemins de fer peut réclamer, il y a, ce nous semble, une considération qui a une importance de premier ordre et qui devrait peut-être tout dominer aujourd’hui. Que l’emprunt de 500 millions, derrière lequel on aperçoit déjà d’autres emprunts possibles, que cette première opération de crédit puisse être réalisée sans difficulté, sans embarras à l’heure qu’il est, cela n’est point douteux. Le crédit de la France, sans être inépuisable comme on se plaît à le dire quelquefois, est assez puissant pour suffire à bien des nécessités. D’un autre côté cependant il n’est pas moins certain que le tableau assez sévèrement tracé par M. Keller n’est point sans exactitude, qu’il y a dans le budget, sans parler de la dette perpétuelle, bien des annuités de diverses origines affectées à des dettes amortissables de différente nature, que l’extrême limite des impôts possibles est à peu près atteinte, que l’élasticité des revenus existans n’est pas indéfinie, et que, tout compte fait, il resté peu de réserve pour parer à l’imprévu. C’est là justement la question. Quelque utilité qu’il puisse y avoir dans le développement de notre système de chemins de fer ou dans des mesures partielles de préservation à l’égard de certaines lignes, quelque facilité que doive rencontrer un emprunt, le moment est-il bien choisi ? L’état présent du monde n’est-il pas de nature à inspirer des préoccupations que M. le ministre des affaires étrangères ne désavouerait pas, et que M. le ministre des finances lui-même partagerait ? N’y a-t-il pas la plus simple prévoyance à éviter d’épuiser ou de trop engager les ressources publiques, à rester en mesure de suffire à tout, même à tout ce qu’on ne peut ni pressentir ni définir ?

Voilà, dira-t-on, l’exposition qui va bientôt s’ouvrir, elle est un gage de paix, elle nous laisse toute liberté de songer à nos chemins de fer et à nos canaux. Oui, sans doute, l’exposition s’ouvrira dans quelques semaines, elle attirera tous les curieux de l’univers ; elle ne sera pas troublée par les coups de canon, comme on s’est plu à le dire avec une ironie lugubre, et l’Allemagne elle-même, après avoir refusé jusqu’ici d’y paraître, semble avoir réfléchi : elle ne s’abstient plus, elle sera représentée à l’exposition des beaux-arts, où elle enverra ses plus beaux ouvrages, sauf les tableaux militaires. Ainsi vient de le décider l’empereur Guillaume. Tout cela est au mieux ; mais rien ne peut faire