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du troisième mois de l’année, et on n’a pas réussi encore à sortir des douzièmes provisoires. Comment veut-on répandre partout le sentiment d’un régime régulier et stable lorsqu’on a l’air de retenir le budget par défiance, lorsqu’on se traîne dans la routine des douzièmes provisoires, lorsqu’on donne soi-même l’exemple des procédés d’une vie instable et précaire ? On s’expose à ce que des plaisans de la chambre disent qu’on n’a que des douzièmes de sécurité et des douzièmes de confiance !

La chambre elle-même ne peut que gagner en crédit, en autorité, à se tourner vers les affaires sérieuses, vers les débats profitables qui n’ont pas peut-être l’attrait des représentations de gala parlementaire Où l’on échange plus d’injures que de raisons, mais qui ont un bien autre intérêt, comme on vient de le voir par cette discussion récemment engagée et encore inachevée sur les chemins de fer. Là les hostilités des partis sont un moment suspendues, les passions n’ont que faire et sont obligées d’avouer leur incompétence ; il n’y a de place que pour l’étude, pour la science, pour l’analyse des intérêts les plus divers et les plus compliqués. M. Routier n’est plus le ministre de l’empire soulevant des orages comme il y a quelques semaines, il reparaît en homme pratique depuis longtemps versé dans ces affaires de chemins de fer, habile à les manier et à les exposer. M. Keller oppose aux entreprises nouvelles les charges d’une situation financière qui, sans avoir rien de sombre et de menaçant, a cependant sa gravité et mérite une attention prévoyante. Des hommes moins connus et d’opinions diverses, M. Allain-Targé, M. René Brice, M. Cherpin, intéressent par des discours sérieux et étudiés. M. le ministre des travaux publics n’a pas encore parlé, il a été obligé par sa santé à demander une trêve de quelques jours ; mais il défendra sûrement ses idées, son système en ingénieur entendu et habile. Il s’agit, on le sait, de l’exécution de tout un plan où M. le ministre des travaux publics a besoin de la collaboration de M. le ministre des finances. Le projet dont la discussion est en ce moment engagée consiste dans la combinaison de deux choses : un système de rachat par l’état d’un certain nombre de chemins de fer en détresse dans l’ouest et le sud-ouest, dans la Vendée, dans les Charentes, et un emprunt de 500 millions qui serait réalisé par une émission de 3 pour 100 amortissable en soixante-quinze ans.

Rien n’est plus réellement intéressant, plus sérieusement instructif qu’un tel débat qui soulève les questions les plus graves et les plus pratiques, celle du rachat et de l’exploitation des chemins de fer par l’état, celle des tarifs et des relations de l’état avec les compagnies existantes, celle du complément de nos lignes ferrées, celle des moyens financiers exigés par le nouveau système de M. de Freycinet. Dès ce moment, on peut entrevoir que la chambre est certainement