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la réussite ; des fusions ou associations, les événemens politiques.

Les grandes artères ont absorbé les lignes secondaires placées dans leur voisinage, et, dans toute l’Europe, il s’est constitué des associations moins bien coordonnées qu’en France, mais qui tendent chaque jour à se rapprocher de ces dernières. Les directions d’état ont obéi à cette nécessité aussi bien que les sociétés privées ; elles ont absorbé des lignes voisines, nullement en vue de baisser les tarifs ; mais presque toujours elles ont été guidées par des motifs tout contraires, — supprimer une concurrence plus ou moins redoutable. En ce moment même, l’état prussien poursuit le rachat du chemin de fer de Berlin à Stettin uniquement parce que ce chemin, qui donne des résultats satisfaisant, nuit à l’exploitation des lignes de l’Est prussien.

En second lieu, la politique a joué un rôle considérable. La Belgique a redouté la venue de compagnies françaises ou allemandes, et elle a incorporé à son réseau d’état des lignes qu’elle a payées fort cher. La Saxe et la Bavière n’ont pas voulu voir leurs lignes gérées par des fonctionnaires prussiens ; la création des réseaux saxons et bavarois répond bien plus à des idées de particularisme et d’autonomie qu’à des questions de tarifs de chemine de fer.

En résumé, chaque état est en possession de réseaux plus ou moins grands, constitués sans programme préalable, souvent à la suite d’incidens très imprévus. Ces groupes, qu’ils soient direction d’état ou société privée, sont exploités dans des conditions qui diffèrent fort peu de celles qui existent en France. Leurs relations réciproques sont bonnes quand ils ont des intérêts communs, médiocres et même mauvaises quand ils ont des intérêts opposés. Les directions d’état se font entre elles des concurrences fort vives, et les procès-verbaux des conférences tenues si fréquemment en Allemagne accusent des désaccords profonds et persistans. Mais nulle part, nous l’avons déjà dit et nous ne saurions trop le répéter, il n’existe de direction d’état gérant et administrant un réseau de 24,000 à 25,000 kilomètres.


II. — ESSAIS D’EXPLOITATION PAR L’ETAT EN FRANCE.

Dans les observations générales placées au commencement de cette étude, nous avons dit que la France avait connu le régime de l’exploitation des chemins de fer par l’état et qu’elle l’avait bien vite oublié. Ce régime a duré trois ans ; il était appliqué sur des lignes qui avaient dès l’origine un trafic important et qui figurent aujourd’hui parmi les plus productives du réseau français. Chargé, sous les ordres d’un des ingénieurs les plus éminens de notre pays, M. Jullien, de l’exploitation d’une de ces lignes, j’ai pu constater