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borner à cette information générale sans pouvoir y ajouter aucun éclaircissement. Les journaux anglais, plus particulièrement intéressés à l’étude des questions maritimes, ne furent pas mieux renseignés. On y trouva seulement la trace des efforts considérables du gouvernement russe pour former un corps de marins torpilleurs. Ces efforts avaient commencé dès l’année 1875.

Le grand-duc Constantin s’était appliqué dès cette époque à former un personnel composé d’abord de 20 officiers et 40 hommes seulement, choisis dans les équipages de la flotte et appelés à recevoir une instruction spéciale. L’objet de leur étude devait être « le maniement et la fabrication des engins explosifs sous-marins. » Cette institution prit au commencement de la guerre un très grand développement. Le grand-duc y employa toute son activité. Des embarcations à vapeur furent achetées. Les yachts de plaisance impériaux furent acheminés sur les ports du sud. Des constructeurs de la marine à Saint-Pétersbourg et en Finlande reçurent la commande d’une vingtaine d’embarcations porte-torpilles. On augmenta le corps des marins torpilleurs. Le centre de ce service fut établi à Cronstadt pour la Baltique, à Kertch pour la Mer-Noire ; on y construisit des ateliers pour la fabrication des torpilles. En très peu de temps, Nicolaïef, Otchakof, Odessa reçurent des embarcations pourvues de ces armes meurtrières. La flottille entière fut placée sous le commandement particulier d’un des officiers les plus distingués de la marine impériale. Dès le début des hostilités, tous les commandans de ces embarcations étaient à leur poste. Des hommes d’élite, choisis dans les équipages, même au retour de croisières lointaines, étaient dirigés de Cronstadt sur Braïla pour armer les bateaux torpilleurs. En ce moment survint un accident terrible. La manufacture de torpilles à Cronstadt sauta. Les travaux commencés furent interrompus, le matériel endommagé ou perdu. Mais le grand-duc Constantin ne se laissa pas décourager par cette catastrophe. L’œuvre fut continuée avec un redoublement d’activité. On répara les ateliers ruinés. L’administration fit en outre l’acquisition, ; en Angleterre, de cent torpilles dites torpilles Whitehead, dont il nous faut indiquer la structure et les propriétés.

Elles diffèrent de celles qu’on assujettit au bout d’une perche et qu’on va porter jusqu’à la muraille d’un bâtiment. Elles sont destinées à être lancées à une certaine distance. Ce sont des appareils automatiques qui, par un mouvement intérieur, doivent marcher droit à leur but en nageant sous l’eau à une profondeur de 2 à 3 mètres. La torpille Whitehead est un vase en tôle d’acier long de 3 mètres 1/2 environ et dont le diamètre est de 40 centimètres. Ce récipient a la forme d’un poisson. En tête est la charge, composée de fulmi-coton. Au centre est disposée la machine motrice.