Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 26.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affirmatif encore à cause de la disproportion des forces navales des deux pays sur les côtes méridionales de la Russie. Cette disproportion qui existait dès lors n’a pas beaucoup changé et s’est au contraire aggravée, car l’Angleterre y a joint le voisinage de ses vaisseaux, dont la seule venue suffirait pour paralyser les efforts de la flottille russe s’il s’en produisait encore. Quant à la Baltique, une guerre maritime y aurait pris un autre caractère, et les conséquences en eussent été différentes, car la Russie y est sérieusement armée au moins pour la défense ; c’est ce que disait l’officier russe. On trouvera le commentaire de cette opinion dans le cours de notre étude.


I

Depuis l’invention des bâtimens cuirassés, on n’a cessé d’en perfectionner la construction primitive. Trois ordres d’idées ont présidé à ces améliorations : il s’agissait en premier lieu de donner à l’artillerie de ces bâtimens la plus grande force de perforation possible ; ensuite d’opposer à cette puissance d’attaque la plus grande somme de résistance réalisable ; il fallait enfin communiquer aux navires une grande vitesse. De très gros canons et des projectiles très pesans ayant été reconnus nécessaires pour briser les cuirasses, le nombre des pièces d’artillerie qu’il est possible de placer à bord des bâtimens s’est trouvé limité par leur lourdeur même. Aussi, pour compléter leur action, ajoute-t-on souvent aux pièces énormes un certain nombre de canons d’un calibre inférieur, distribués en chasse, en retraite, à l’avant, à l’arrière du vaisseau et en tout autre endroit où ils peuvent être utiles. Il faut en tenir compte pour apprécier la puissance totale de l’artillerie d’un navire sans oublier que les canons, lorsqu’ils sont placés sur des plaques tournantes, représentent le double de leur valeur réelle à cause de la rapidité qu’on peut donner au tir de ces engins dans toutes les directions ; enfin le poids des projectiles n’est pas la seule condition de puissance, la force de leur lancement en est une autre, car elle peut donner à des boulets de moindre calibre une faculté supérieure de perforation. Le choix de la poudre contribue beaucoup à ce résultat, qui dépend aussi de la distance où le boulet est lancé et de l’endroit où il frappe.

Ces moyens d’agression bien étudiés, il s’agissait de pourvoir aux moyens de résistance qui résident dans la cuirasse. Inutile de dire que l’épaisseur des cuirasses comme la grosseur des canons est limitée par leur poids, car il faut éviter d’alourdir les vaisseaux à ce point qu’ils cessent d’obéir à la direction du commandant, à l’action du gouvernail et aux manœuvres de l’équipage. Nous allons