Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 26.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

établissemens de bains qui sont sur le fleuve. » La dame fit un bond ; on venait de plaider pro domo suâ. Elle sortit en courant, suivie de MM. de Champeaux et Ribourt ; elle s’arrêta dans une maison du quai d’Orsay et conduisit les deux capitaines de vaisseau chez le directeur même de la compagnie des mouches. On répéta à celui-ci la fable qui avait déjà eu bon succès. Sans prendre le temps de quitter ses pantoufles, le brave homme courut jusqu’à la rue Surcouf, entra dans un cabaret et en sortit bientôt avec quatre mécaniciens et deux patrons.

Trois canonnières ne paraissaient pas hors de service, la Clayrnore, le Sabre et la Farcy, mais on s’aperçut bientôt que la machine de cette dernière fonctionnait mal, en outre la vis de culasse manquait à la pièce ; il fallut donc l’abandonner. La Claymore, commandée par le lieutenant de vaisseau Witz, le Sabre, commandé par le lieutenant de vaisseau Bourbonne, placés tous deux sous la direction du capitaine de frégate Rieunier, purent appareiller vers deux heures de l’après-midi ; elles étaient accompagnées par une chaloupe, la Vedette n° 4, qui, conduite par l’enseigne Mercier, apportait les vivres, les munitions, servait d’estafette et enlevait les blessés. Dès leur arrivée au pont des Arts, elles prennent part au combat acharné qui se livrait dans la Cité, derrière la préfecture de police et le Palais de Justice incendiés par ordre de Ferré. Le lendemain, jeudi 25 mai, les deux canonnières, à bord de l’une desquelles le commandant Ribourt s’était rendu, remontèrent la Seine de façon à pouvoir battre les quais des Ormes, de Saint-Paul et des Célestins. Un peu plus tard, devançant nos colonnes qui marchaient parallèlement sur la rive droite et sur la rive gauche de la Seine, elles s’embossèrent à 100 mètres environ en aval du musoir sud du canal Saint-Martin. Là elles livrèrent un véritable combat naval.

Le pont d’Austerlitz, à son point d’attache sur la place Mazas, était formidablement défendu. Un large fossé, appuyé sur une barricade énorme, l’oblitérait complètement. La barricade, affleurant les parapets du quai, enveloppait toute la place et se reliait par derrière au dépôt municipal de pavés qui occupe l’intervalle compris entre le boulevard Mazas et la rue Lacuée. Porté vers le sud-ouest jusqu’au musoir du canal Saint-Martin, protégé au sud-est par la Seine, au nord par la gare de l’arsenal, cet ouvrage, d’une force extraordinaire, était armé de cinq pièces de 7, de cinq pièces de 4, de deux obusiers de 15 et d’une mitrailleuse. C’était, dans une position pareille, de quoi tenir, et longtemps, contre tout un corps d’armée. La division de l’amiral Bruat occupait le boulevard de l’Hôpital, la gare d’Orléans et débordait jusque sur la place Walhubert. La division Faron tenait les deux rives de la Seine : la rive gauche, par la brigade Derroja, massée dans le Jardin des Plantes ; la rive