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Talleyrand. Sur l’invitation de l’amiral, deux régimens furent immédiatement utilisés par le général Vergé, qui les lança à travers le jardin des Tuileries et put ainsi parvenir au Louvre en temps opportun. Le ministère de la marine était à l’abri d’un retour des fédérés, mais non point de tout danger, car la batterie du Père-Lachaise, ayant aperçu le drapeau tricolore, tirait dessus à toute volée. Heureusement les coups étaient trop « longs » et achevaient de bouleverser la place de la Concorde.

M. Humann, en traversant le pont, avait remarqué que la flottille, — ou, pour mieux dire, ce qui restait de la flottille, — était amarrée près du quai de la Conférence ; il en prévint l’amiral Pothuau, qui décida immédiatement de la faire servir à la défense de Paris. Le capitaine de vaisseau Ribourt, — actuellement vice-amiral, — commandant en chef des batteries de Montretout, avait massé ses canonnière au Champ de Mars et en gardait un certain nombre sous sa main au ministère des affaires étrangères, où il se tenait de sa personne. C’est là que vers neuf heures du matin il reçut ordre de prendre le commandement des canonnières de la Seine et de remonter le fleuve en attaquant les positions des insurgés. Il avait déjà dirigé un détachement sur la rue de Lille pour essayer de combattre les incendies ; ce fut en vain, trop de pétrole avait été versé par les soins d’Eudes et de Mégy ; trois pauvres matelots, s’aventurant au milieu des brasiers, périrent écrasés sous l’écroulement d’un mur des archives de la cour des comptes ; un autre détachement, commandé par le lieutenant de vaisseau de La Bédollière, filant par le quai des Tuileries, avait pénétré dans le Louvre pour aider les soldats de la division Vergé à sauver les musées. Le commandant Ribourt envoya promptement ses canonnière prendre possession des canonnières, et il se rendit au ministère de la marine, où il rencontra M. de Champeaux, qui y arrivait de son côté. Pour manœuvrer les canonnières, ce n’étaient ni les officiers ni les marins qui manquaient, c’étaient les mécaniciens. Comment en trouver au milieu du désordre où Paris se débattait et semblait près de succomber ?

Les commandans Ribourt et de Champeaux ayant appris, je ne sais comme, que les mécaniciens des bateaux-mouches se réunissaient souvent à la prétendue frégate où l’on distribue des douches et des bains en aval du Pont-Royal, s’y rendirent et y furent fort mal reçus par une femme absolument effarée qui, à toute question, répondait : « Je ne sais pas. » Le commandant Ribourt prit son air le plus grave et dit : « Madame, nous avons besoin de mécaniciens afin d’aller avec nos canonnières jusqu’à Bercy couler bas une flottille de brûlots chargés de pétrole que la commune vient de lâcher sur Seine de façon à mettre le feu à tous les lavoirs, bateaux,