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du vert, le bleu et le rouge du violet, le rouge et le jaune des tons orangés. Le rôle de la photographie se borne ici à fournir les trois épreuves monochromes qu’il s’agit de superposer. On les tire à l’aide de trois négatifs que l’on se procure par l’emploi de verres colorés offrant les teintes complémentaires de celles qu’on veut produire. Le négatif qui sert à tirer une épreuve en rouge est obtenu par l’interposition d’un écran vert, qui arrête, ou plutôt qui est censé arrêter les rayons rouges ; le négatif du bleu s’obtient à l’aide d’un écran orangé, et le négatif du jaune à l’aide d’un écran violet. Les trois épreuves positives, tirées en rouge, en bleu et en jaune, sont ensuite détachées de leurs supports provisoires et transportées sur un support définitif. — Cette reproduction des couleurs d’un tableau par une sorte de synthèse chromatique n’est au fond, il faut bien l’avouer, qu’une impression polychrome où la lumière est seulement chargée de distribuer d’une certaine façon trois pigmens arbitrairement choisis par l’opérateur. Les résultats obtenus laissent beaucoup à désirer, et l’on ne saurait s’en étonner : c’est le contraire qui aurait lieu de surprendre. La théorie du procédé repose en effet sur cette supposition gratuite, que les couleurs naturelles sont formées de rouge, de jaune et de bleu ; elle veut que l’écran violet, par exemple, laisse passer les rayons rouges et bleus aussi facilement que les rayons violets, et qu’il n’arrête que les rayons jaunes, etc. Or ces conditions ne sont pour ainsi dire jamais réalisées. M. Léon Vidal est arrivé à un résultat plus satisfaisant en tirant les épreuves monochromes à l’aide de clichés sur lesquels on a fait, par les procédés ordinaires de la retouche, des réserves à la main pour les différentes couleurs. Avouons toutefois que ces tentatives, si méritoires qu’elles soient, ne nous ont pas beaucoup rapprochés du but.

Quoi qu’il en soit, il est permis d’affirmer que la partie technique de la photographie a fait, dans ces dernières années, de notables progrès au double point de vue de la production de l’image et de la multiplication des épreuves. Les procédés se sont simplifiés, et les résultats sont devenus plus parfaits. Rendue ainsi plus accessible aux profanes, la photographie est en voie d’obtenir droit de cité dans les laboratoires des savans, qui apprennent enfin à tirer parti eux-mêmes de cette rétine artificielle qui remplace si bien les yeux ; dispensés de réclamer l’assistance d’un photographe de profession, ils ne risqueront plus d’introduire dans leurs travaux un élément étranger dont ils ne sont pas maîtres et qui parfois se plie mal aux exigences de chaque problème particulier. Ils sauront d’ailleurs largement payer les services que leur rendra ce nouvel auxiliaire, car tout fructifie entre leurs mains.


R. RADAU.