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noire ordinaire. Rien n’empêche d’ailleurs de comprendre parmi les objets à relever le soleil lui-même, et d’orienter ainsi le tour d’horizon. Il est donc permis de dire que la planchette photographique résout de la manière la plus heureuse le problème de la « géodésie expéditive, » et il serait à désirer que les stations qu’il s’agit de créer dans l’intérieur de l’Afrique en vue de l’exploration de ce continent fussent munies d’instrumens de ce genre ; on arriverait ainsi à dresser des cartes exactes d’une foule de contrées inconnues avec moins de peine que lorsque l’on devait se contenter, comme M. d’Abbadie en Ethiopie, d’un simple théodolite et d’un carnet de poche.

C’est en particulier au point de vue militaire que cette application de la photographie a beaucoup d’avenir. En réservant à la planchette photographique le levé exact du terrain, et surtout le levé des places fortes, des appareils plus simples pourront encore fournir aux troupes en campagne les vues pittoresques destinées à faciliter la lecture des cartes, qui nous laissent toujours en face d’une abstraction embarrassante, puisque les objets y sont remplacés par des signes conventionnels. Puis la photographie est employée avec un succès croissant à copier, à réduire, à multiplier les cartes et les plans. Au dépôt de la guerre, elle a depuis longtemps détrôné le pantographe, qui servait à réduire les minutes de l’échelle des levés à l’échelle de la carte à graver, et elle a épargné plus d’une fois un long travail de copie. « C’est ainsi, dit M. Jouart dans une intéressante notice publiée en 1866.[1], que le capitaine de Milly a pu prendre à Turin, et reporter en quelques semaines, à l’échelle de la carte de France, le comté de Nice et la Savoie, levés au 1/10000e par les ingénieurs piémontais. C’est ainsi encore que tout récemment ce même officier, ayant eu entre les mains pour deux heures seulement un des rares exemplaires de la carte du Mexique du général Scott, a pu fournir presque instantanément à l’état-major français 150 épreuves de ce précieux document. » Ces applications prennent plus d’extension à mesure que se perfectionnent les procédés d’impression photographique (photolithographie, zincographie, etc.).

Des services photographiques sont organisés dans l’armée anglaise depuis la guerre de Crimée, dans l’armée française depuis la campagne d’Italie ; aux États-Unis, en Autriche, en Russie, l’utilité des applications militaires de la photographie a été également appréciée de bonne heure. Les armes spéciales y trouvent un moyen commode de reproduire les types d’armement, d’expliquer tous les détails du service, de constater les effets du tir, etc. A Woolwich,

  1. Application de la photographie aux levés militaires, Paris, 1866. Domaine.