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facile que celles qui doivent fournir les grandes vues d’ensemble. Pour que les panoramas représentent bien l’ensemble des divers massifs, et permettent de reconnaître aisément la position relative des sommets, la direction des vallées qui les séparent, etc., il faut que le choix de la station satisfasse à certaines conditions d’altitude, et que l’on tienne compte aussi de l’éclairage qui change sans cesse avec la position du soleil. Les pics ou les cols d’une hauteur absolue comprise entre 2,200 et 3,200 mètres offrent généralement dans les Alpes les meilleures stations pour les vues panoramiques ; au-dessus de 3,500 mètres, les vallées cessent de se dessiner nettement ; au-dessous de 2,000 mètres, on n’aperçoit plus un assez grand nombre de sommets. M. Civiale a encore reconnu, par expérience, qu’en commençant vers sept heures du matin il faut se tourner d’abord vers le nord, puis aller successivement, du nord à l’ouest, de l’ouest au sud, etc ; en procédant ainsi, on se trouve vers onze heures ou midi en face de l’est, qui est alors éclairé de la manière la moins défavorable. Les panoramas de M. Civiale se composent toujours de quatorze épreuves, raccordées par des bandes d’un centimètre de largeur.

C’est surtout la photographie de paysage qui profitera des perfectionnemens apportés depuis peu à la préparation des plaques sèches, qui rendent inutiles latente, le bain d’argent, etc., simplifiant ainsi dans une grande mesure le bagage du voyageur photographe[1]. On se rappelle que Beurmann, ayant été privé de sa tente par un accident, se vit dans l’impossibilité de faire une seule photographie le long de la route qui mène de Souakin à Khartoum et qui traverse des contrées encore peu connues. Les mécomptes de cette nature deviendront plus rares quand l’usage des préparations sèches sera tout à fait entré dans la pratique courante.

La géodésie et la topographie militaire n’attendent pas de moindres services de l’art du photographe. En effet, l’image photographique, étant produite par des lentilles, est soumise dans sa formation aux règles de la géométrie : elle représente une perspective centrale, beaucoup plus exacte que si elle avait été dressée par un dessinateur, même à l’aide d’un instrument qui mesure les angles. Il s’ensuit, comme l’ont fait remarquer en 1839 Arago et Gay-Lussac, dans leurs rapports aux deux chambres, que la photographie de paysage peut servir à construire des cartes topographiques d’une exactitude absolue. Deux photographies prises de deux stations dont on connaît la distance suffisent pour dresser une carte du terrain,

  1. Voyez à ce sujet l’excellent résumé de M. A. Davanne (Progrès de la photographie, p. 26 à 76), et deux publications récentes : Photographie par émulsion sèche au bromure d’argent pur, par M. A. Chardon, et le Procédé au gélatino-bromure, par M. H. Odagir. (Paria, 1877. Gauthier-Villars.)