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diplomatique à n’importe quel homme d’état européen. Il arriva à Che-fou, où était accouru M. Wade, le 19 août 1876. Dès que la fumée de cette escadre fut signalée à l’horizon, les jonques de guerre qui se trouvaient en rade se couvrirent de drapeaux multicolores et brûlèrent une quantité énorme de poudre en salves désordonnées. Malheureusement, au moment même où les bateaux jetaient leurs ancres, un orage épouvantable éclata. Ce ne fut que le lendemain que Li-hung-chang put descendre à terre. La jetée était couverte de troupes en grande tenue, enseignes déployées. Les trompettes firent entendre leurs fanfares belliqueuses, et les officiers indigènes, quoique gênés par leurs grandes bottes, parvinrent cependant à se présenter en bon ordre et en temps voulu devant leur supérieur. Li-hung-chang monta dans un palanquin, passa rapidement en revue les bataillons agenouillés, puis se rendit à la douane pour y recevoir les hommages du préfet et des mandarins de la province. Ces présentations terminées, le vice-roi fut conduit sur la hauteur, où s’élevait le temple qui devait lui servir d’habitation. Une foule énorme, composée de Chinois et d’étrangers, s’était portée sur son passage.

Le lendemain, après s’être présenté le premier chez le ministre d’Angleterre, l’envoyé chinois rendit visite aux représentans des autres puissances. Pourquoi ces derniers avaient-ils quitté en masse leur poste pour se rendre à Che-fou ? Ne se croyaient-ils plus en sûreté à Pékin ? Toujours est-il qu’on vit à Che-fou pendant tout le temps que durèrent les négociations M. Brenier de Montmorand, ministre de France ; M. España, ministre d’Espagne ; M. Butzow, ministre de Russie ; le chevalier de Schaeffer, ministre autrichien ; l’honorable Geo.-F. Sewart, ministre des États-Unis d’Amérique, et M. von Brandt, ministre d’Allemagne. Sous divers prétextes, les Européens au service de la Chine avaient également désiré se rapprocher du lieu des négociations ; parmi les plus connus, nous devons citer notre compatriote, M. Giquel, directeur de l’arsenal militaire de Foochow, M. Hart, inspecteur général des douanes chinoises, et MM. Mac-Pherson et Geo.-B. Glover, tous les deux directeurs des douanes, le premier à Tien-sin, le second à Shanghaï.

On connaît l’insupportable longueur de l’étiquette chinoise. Ce ne fut que dans les premiers jours de septembre qu’eurent lieu les premières conférences, et Li, pour en prolonger la durée, fit des visites et passa des revues. C’est ainsi qu’il perdit beaucoup de temps à inspecter des troupes chinoises façonnées au maniement des armes par des officiers étrangers.

Enfin, le 13 septembre 1876, une convention fut signée entre M. Wade et Li-hung-chang. Mais, avant de quitter Che-fou, le plénipotentiaire céleste voulut prouver que la bonne chère et le