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d’user exclut celui d’abuser. Il appartient donc aux lois de déterminer les limites et les devoirs de la propriété. Le mariage monogamique repose sur la propriété privée, et l’hérédité en dérive directement. Il faut ensuite examiner le rapport qu’ont avec la production et la répartition de la richesse les modes d’acquisition ; occupation, prescription, spécification, vente ; les servitudes, les droits de gage, les droits d’auteur, de patente, de firme, les différentes formes de société. La liberté des contrats opère le transfert des biens et établit les relations personnelles, le louage des services détermine les prix. Mais cette liberté ne peut être absolue ; elle est limitée par la morale et la justice, et c’est aux lois à poser ces limites, nécessairement variables d’après les différens degrés de civilisation.

M. Adolphe Wagner ne s’est pas contenté de tracer un sommaire ; il a essayé de remplir le cadre. Avec son éminent collègue, M. Nasse, il a entrepris de publier une révision du traité classique du patriarche des économistes allemands, Karl Rau ; seulement il s’est trouvé, comme il fallait s’y attendre, que ce qui ne devait être qu’une édition révisée est devenu un travail complètement différent. Le premier volume, — immense in-octavo de 757 pages, — est consacré à l’exposition des principes (Grundlegung), et il n’en renferme qu’une partie. Les trois derniers chapitres traitent du côté juridique des problèmes économiques. Le titre qu’ils portent en indique bien l’importance : de l’Organisation économique, — de l’État et de son influence économique, — le Droit considéré en tant qu’il règle les rapports économiques. M. Wagner considère d’abord l’homme cherchant dans le travail la satisfaction de ses besoins. Mais l’homme vit en société, et la société ne peut subsister que quand l’état y fait régner l’ordre et établit la base juridique des relations des hommes entre eux. Cette base juridique, c’est le droit civil, d’où résulte l’organisation économique de la société. Les anciens économistes se sont vivement élevés contre toute organisation artificielle. Ils semblent oublier que le droit qui nous régit est le résultat d’une élaboration rationnelle du droit romain primitif, poursuivi pendant mille ans, par des générations successives de juristes. C’est bien là un ordre artificiel, c’est-à-dire résultant de l’art du législateur et du jurisconsulte. L’ordre naturel qu’on invoque ne règne que dans les bois.

D’après M. Wagner, le développement économique d’un peuple dépend d’abord du progrès des procédés techniques des différentes industries, ensuite de l’état de la législation (Verkehrsrecht) qui sert de base et de règle aux activités économiques des individus. Les grandes institutions juridiques dont il faut rechercher